Les Panama Papers : et si on se trompait de coupable ?

Publié le 11/04/2018

Article paru dans Les Echos le 11 avril 2018

Panama Papers, Paradise Papers, les scandales fiscaux qui se succèdent résultent d’une fiscalité mondiale hétérogène et de taux d’imposition parfois trop importants, montre Maître Bernard Monassier. Pour lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale l’harmonisation fiscale au plan mondial est la seule solution.

L’opinion a été scandalisée, à juste titre, par la publication des Panama Papers en 2016 et par les derniers scandales mis à jour par les Paradise Papers. Cette émotion face à des comportements qui ne sont pas citoyens est compréhensible.

Mais personne ne s’interroge jamais sur les raisons profondes de ces scandales liés à la fiscalité des grandes fortunes. Il ne suffit pas de s’insurger et de réprimer, il faut prendre le problème à la racine. Ces scandales fiscaux ont trois origines.


Les États, premiers responsables de l’optimisation fiscale

Les États sont responsables au premier chef. Si l’Irlande n’avait pas un taux d’Impôt sur les Sociétés (IS) si faible, les entreprises ne choisiraient pas la verte Érin comme domicile fiscal. Le dumping fiscal est la première raison de ces comportements face à la fiscalité. S’il y avait une harmonisation des taux de la fiscalité entre les différents pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), plus personne n’essaierait de faire ce que l’on appelle des « sandwichs irlandais » avec le Luxembourg.

Harmonisons les taux des différentes taxes et impôts entre États et nous n’aurons plus ces montages abracadabrandesques organisés les GAFA (Google Apple Facebook Amazon) et autres acteurs économiques qui jouent sur ces différences. La première source d’optimisation fiscale est cette guerre fiscale qui a lieu entre les États.


Les États-Unis de Trump vont devenir un paradis fiscal

Cette guerre fiscale ne va faire que s’amplifier avec les réformes Trump. Les États-Unis avaient déjà le paradis fiscal qu’est l’État du Delaware. Ils vont devenir un paradis fiscal par rapport aux autres pays du monde. Ceci inquiète d’ailleurs l’Union Européenne. Les États n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes et harmoniser leur fiscalité pour éviter cela.

Deuxième cause de l’optimisation fiscale, les taux d’imposition sont considérés souvent comme confiscatoires. Si les taux étaient plus faibles, l’incitation à faire des montages d’optimisation fiscale aussi complexes et coûteux serait peut-être moindre. Les responsables politiques doivent comprendre qu’à partir d’un certain niveau d’imposition, les contribuables ne veulent plus jouer. Ils considèrent que l’État les spollie.

Si on baisse les taux d’imposition, il y aura moins de fraude. L’effet a été visible, par exemple, lorsque le législateur a baissé les droits d’enregistrement en France. Autrefois, cela coûtait 10 % de frais de notaires aujourd’hui, le niveau est à 6 %. De ce fait, les dessous de table ont quasiment disparu. Quand la fiscalité reste cantonnée à des niveaux raisonnables, elle est mieux acceptée.
Quand on instaure des taux d’imposition trop élevés, on pousse les citoyens et les entreprises à enfreindre la loi. C’est pourquoi la flat tax du Président Macron est une excellente chose. A 30 % d’imposition des revenus du capital, il n’y a plus d’intérêt à frauder. A 60 % d’imposition, personne ne veut plus jouer le jeu.

La troisième source de comportements fiscaux frauduleux concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Des scandales récents ont mis à jour la prétendue complicité de grands groupes français dans ces fraudes à la TVA par l’intermédiaire de l’Île de Man.
Pourquoi des milliardaires russes, par ailleurs, choisissent-ils de faire immatriculer un certain nombre de structures dans cette île britannique ? C’est, disent-ils, parce qu’ils n’ont pas confiance dans la réalité de l’État de droit en Russie. Est-ce vrai ou faux ? Je l’ignore, mais on peut se poser la question. Ces oligarques ne sont peut-être pas blancs comme neige. La Russie n’est cependant pas non plus perçue comme un État de droit par la communauté internationale.


Cette absurde TVA sur les avions privés

La taxation des avions privés est un autre cas d’absurdité fiscale. Si vous achetez un avion de tourisme, le taux de TVA s’élève à 10 %. Si vous déclarez un usage à des fins professionnelles, il n’y a pas de TVA. Or, c’est l’État dans lequel est immatriculé l’avion privé qui est chargé de veiller à vérifier l’usage que vous en faites. Il y aurait moins de fraude si les conditions d’application de la TVA sur les avions privés, notamment, était moins ridicule.


L’harmonisation fiscale, seule issue raisonnable

Conclusion, les scandales fiscaux qui se succèdent, Panama ou Paradise Papers, résultent d’une fiscalité mondiale hétérogène et de taux d’imposition parfois trop importants. Pour lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale, l’harmonisation fiscale est la seule solution au plan mondial. Une fois l’harmonisation fiscale acquise, les acteurs économiques n’auront plus intérêt à mettre en place des montages fiscaux complexes, ni à frauder.

Me Bernard MONASSIER
Notaire Honoraire
Vice-Président du Cercle des Fiscalistes

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