Dans un monde où la donnée devient ubiquitaire, l’intelligence artificielle agit comme un révélateur : elle met en lumière les savoirs implicites, accélère la compréhension des situations complexes et ouvre de nouvelles perspectives dans les métiers du conseil, tant du chiffre que du droit.
Les récents progrès des modèles de langage ont montré que l’IA peut dialoguer en langage naturel, comprendre des contextes fiscaux et juridiques, et proposer des analyses structurées sur base d’informations fiables.
Mais sa véritable valeur ne réside pas dans sa rapidité d’exécution mais dans sa capacité à structurer la pensée.
Dans les métiers de la fiscalité, identifier les bons enjeux dans le bon ordre est primordial. Prenons un exemple concret : face à une opération de transmission patrimoniale, l’IA peut en quelques secondes cartographier les régimes applicables (donation, démembrement, holding), croiser les contraintes civiles et fiscales, et hiérarchiser les scénarios selon les objectifs du client. Elle devient ainsi un outil d’intelligence patrimoniale, capable d’augmenter le discernement de l’expert sans le remplacer.
Une mutation culturelle avant d’être technologique
Au quotidien, l’IA devient un outil de discernement : elle clarifie les zones d’incertitude, hiérarchise les priorités et éclaire la prise de décision là où la matière réglementaire se superpose.
Mais l’IA répond aussi à une autre dynamique : celle de l’immédiateté et de la transparence attendues par les nouvelles générations d’investisseurs et de clients. Elle offre des réponses claires et contextualisées, tout en conservant la dimension humaine essentielle du conseil.
L’IA ne remplace pas la relation de confiance, elle la renforce. En libérant une partie du temps consacré aux tâches d’analyse préliminaire, elle permet de se concentrer sur l’écoute, la pédagogie et la personnalisation de la relation client. Le numérique ne déshumanise pas le lien : il le rend plus disponible, plus réactif.
Toutefois, cette transformation soulève des questions qu’il nous faut adresser collectivement : quelle responsabilité en cas d’erreur de l’IA ? Comment garantir la confidentialité des données patrimoniales sensibles ? Comment éviter une fracture entre cabinets équipés et structures plus modestes ?
Le véritable défi n’est pas celui des algorithmes mais celui de la culture professionnelle. Apprendre à travailler avec l’IA, c’est apprendre à penser autrement, accepter de déléguer une partie des analyses techniques, et valoriser l’expertise humaine là où elle demeure irremplaçable : le discernement, l’éthique, la relation.
Vers une expertise augmentée
L’IA ne prend pas de décisions à la place du professionnel. Elle l’assiste dans sa réflexion, éclaire les zones d’incertitude et accélère la formulation des hypothèses.
Ce faisant, elle transforme profondément la pratique du conseil :
Oser repenser nos métiers avec l’IA, c’est reconnaître qu’elle ne se substitue pas à l’intelligence humaine, mais qu’elle l’élargit. Qu’elle nous invite à revisiter nos pratiques, à démocratiser l’accès à l’expertise et à bâtir une nouvelle relation avec les nouvelles générations.
Oui, l’intelligence artificielle nous bouscule — et c’est précisément cette tension créative qui peut nous faire progresser.
Article rédigé par Frédéric Valentin, membre du Cercle des Fiscalistes