Article paru dans Le Monde du 28/09/2016
Décidemment, Nicolas Sarkozy est incorrigible ! Il annonce dans son dernier ouvrage « Tout pour la France », son intention, s’il est élu Président de la République, d’exonérer les successions entre parents et enfants à hauteur de 400 000 euros par enfant, contre 100 000 aujourd’hui. Cette proposition mérite plusieurs remarques.
D’abord, elle ne figure pas dans le programme fiscal des Républicains ni d’aucun candidat à la primaire à droite. Il s’agit donc d’une initiative personnelle et d’une étonnante posture pour un libéral. Car derrière une telle idée, c’est bien une certaine vision de la société qui se dessine : l’avantage crucial que représente, à la naissance, l’héritage d’une fortune n’aurait pas à être diminué. C’est la définition même d’une société conservatrice. Alors que dans une société libérale, l’enrichissement par le talent et le travail a une plus grande valeur que l’enrichissement par l’héritage.
Cette vision conservatrice vient en outre se télescoper avec la vision libérale évoquée par Emmanuel Macron en avril dernier dans un entretien accordé à la revue Risques. Il jette un pavé dans la mare en affirmant « Si on a une préférence pour le risque face à la rente, ce qui est mon cas, il faut préférer, par exemple, la taxation sur la succession aux impôts de type ISF. » En tant que libéral, l’ex-ministre des finances donne plus de valeur à la richesse créée par le travail plutôt qu’à celle issue de la rente ou de l’héritage.
Enfin, quitte à alléger les transmissions, autant alléger les donations plutôt que les successions. Cela permettrait de donner aux jeunes générations les moyens d’investir et de consommer plutôt que de concentrer les patrimoines entre les mains des séniors peu avides à l’investissement et à la prise de risque.
On est en droit d’attendre des candidats qui briguent la Présidence de la République qu’ils engagent en matière fiscale un débat qui débouche sur un projet de réforme global et non de quelques mesures politiques sans efficacité économique.
La discussion sur la plus forte taxation du patrimoine est en train de préparer une vague d’expatriation, préviennent, dans une tribune, Philippe Bruneau et Jean-Yves Mercier, du Cercle des fiscalistes. Lesquels pointent aussi les failles du raisonnement des promoteurs de ces impôts.
Adoptée par l’Assemblée nationale puis rejetée par le Sénat en juin dernier, la proposition de taxe dite « Zucman », écartée par François Bayrou, pourrait désormais revenir dans le débat public. Martin COLLET, Professeur de droit à l’université Panthéon-Assas (Paris II), membre du Cercle, fait le point.
Qu’importe que le taux d’intérêt de notre dette de 3,5 % ait croisé depuis longtemps celui de notre croissance estimée pour 2025 à 0,9 %, que l’activité économique envoie pléthore de signaux négatifs, avec l’investissement immobilier en état de mort cérébrale et une inquiétante remontée du chômage de masse : l’important est de créer des concepts fiscaux vagues, aux contours mal définis, et de désigner un responsable.