Selon l’INSEE, les français n’ont jamais mis autant d’argent de côté puisque leur taux d’épargne représente quasiment 17 % de leurs revenus. Ce constat n’est pas une bonne nouvelle. D’abord parce que ce taux record pénalise la consommation, mais surtout parce qu’il ne s’agit pas d’une épargne de long terme qui serait profitable à notre économie.
La part du patrimoine des français dédiée aux actifs longs, principalement les actions, est en effet relativement faible. En 2011, nos compatriotes se sont davantage portés vers des placements plus liquides (livrets, dépôts à terme…) et plus sécuritaires (assurance-vie en euro). Des placements dont l’effet bénéfique sur notre économie est très marginal. Cette situation pénalise à la fois nos entreprises, qui manquent de fonds propres, mais aussi les ménages dans leur capacité à préparer leur avenir. Un des défis actuels auquel est confronté notre pays est donc bien d’orienter cette épargne abondante vers des investissements de long terme.
Les facteurs qui jouent contre cette évolution sont connus : une augmentation de l’aversion au risque des épargnants, leur défiance vis-à-vis des marchés financiers, une régulation (Bâle III et Solvabilité II) qui freine l’investissement de long terme des investisseurs institutionnels, et une fiscalité du patrimoine non incitative. Pourtant, l’épargne de long terme n’est pas dénuée d’avantages. Elle représente une source de financement pérenne pour les entreprises, permet aux ménages de se constituer une épargne longue nécessaire pour se prémunir contre les aléas de la vie et préparer leur retraite, et favorise la stabilité financière en réduisant la volatilité des marchés financiers.
La fiscalité constitue vraisemblablement l’outil principal dont dispose l’Etat pour orienter l’épargne vers des investissements de long terme. En France, la fiscalité de l’épargne est à la fois élevée, illisible et instable. Elevée, puisque son taux implicite est le plus haut d’Europe. Illisible, car à force de la modifier par petites touches sans grande cohérence, elle ressemble plus à un patchwork qu’à un système ayant du sens. Instable, lorsqu’en 2011, pas moins de quatre lois de finances en ont modifié les règles du jeu.
Doter notre pays d’une fiscalité favorisant l’épargne de long terme est devenue une nécessité qui devrait figurer dans toutes les professions de foi des candidats à l’élection présidentielle.
Président du Cercle des Fiscalistes
Source: Article paru dans le journal “Le Monde” du 18/04/2012
La discussion sur la plus forte taxation du patrimoine est en train de préparer une vague d’expatriation, préviennent, dans une tribune, Philippe Bruneau et Jean-Yves Mercier, du Cercle des fiscalistes. Lesquels pointent aussi les failles du raisonnement des promoteurs de ces impôts.
Adoptée par l’Assemblée nationale puis rejetée par le Sénat en juin dernier, la proposition de taxe dite « Zucman », écartée par François Bayrou, pourrait désormais revenir dans le débat public. Martin COLLET, Professeur de droit à l’université Panthéon-Assas (Paris II), membre du Cercle, fait le point.
Qu’importe que le taux d’intérêt de notre dette de 3,5 % ait croisé depuis longtemps celui de notre croissance estimée pour 2025 à 0,9 %, que l’activité économique envoie pléthore de signaux négatifs, avec l’investissement immobilier en état de mort cérébrale et une inquiétante remontée du chômage de masse : l’important est de créer des concepts fiscaux vagues, aux contours mal définis, et de désigner un responsable.