L’absurde taxation des dividendes

Publié le 5/12/2009

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, un amendement vient d’être voté qui porte singulièrement atteinte à la situation des actionnaires qui bénéficient du bouclier fiscal.

Pour mémoire, lorsqu’une entreprise verse un dividende de 100, celui-ci est soumis à l’impôt sur le revenu (IR) sur 60, soit après un abattement de 40%. Quoi de plus normal ? Il ne s’agit pas là d’un cadeau destiné aux actionnaires, mais bien de la contrepartie du fait que la distribution d’un dividende de 100 oblige l’entreprise à réaliser un résultat de 150 sur lequel est acquitté un impôt sur les sociétés (IS) de 50. Pour parler court, cet abattement se justifie par la volonté d’éviter une double imposition d’un même revenu, en l’occurrence le bénéfice d’une société.

Ce raisonnement devrait être le même en ce qui concerne le bouclier fiscal, qui plafonne les impôts directs à 50% du revenu, puisque là encore, on cherche à éviter un cumul d’impositions successives, en l’occurrence l’IR, les prélèvements sociaux et l’ISF. C’est la raison pour laquelle, jusqu’à ce jour, le montant du dividende pris en compte dans le calcul du bouclier fiscal était le dividende net après abattement de 40%. Cette méthode avait le mérite d’être juste à un double titre. D’une part, parce que le bouclier fiscal n’octroie à l’actionnaire un droit à restitution qu’au titre des impôts qu’il supporte personnellement; d’autre part, parce que l’actionnaire ne peut pas récupérer l’IS payé par la société qui a distribué le dividende.

Or aujourd’hui, l’amendement voté par l’Assemblée Nationale est en passe de prendre en compte pour le calcul du bouclier fiscal 100% des dividendes et non plus 60%. Cette décision est à la fois inique et contre-productive. Inique, car elle revient fiscalement à pénaliser les actionnaires par rapport aux détenteurs d’obligations. Certes, les intérêts produits par ces dernières sont intégralement pris en compte dans le calcul du bouclier fiscal. Mais ils sont déductibles du résultat de l’entreprise. Pas les dividendes distribués. Contre-productive, car à une époque où le niveau de leurs fonds propres est un enjeu majeur pour nos entreprises, et où l’instabilité de notre législation fiscale met à mal la légitimité de l’impôt au sein de notre société, une telle mesure est tout simplement mal venue.

Source : article paru dans le journal Le Monde, le 5 décembre 2009

Pour aller plus loin :
ISF / IFI

Comment, par mégarde, vous pouvez faire de vos enfants des assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière ?

Dans certaines circonstances, les enfants de parents assujettis à l’IFI peuvent avoir à le régler explique, dans sa chronique, l’avocat honoraire fiscaliste Jean-Yves Mercier.

ISF / IFI

«ISF, le retour de l’impôt punitif», par le Cercle des fiscalistes

Dans un récent discours, Emmanuel Macron a demandé que « nos concitoyens les plus fortunés aident la nation à réussir…

ISF / IFI

La réforme de l’ISF

L’ISF a une place unique dans le paysage fiscal français. Les circonstances de sa naissance…


Notre Cercle perd l’un de ses membres fondateurs

Ce lundi 13 mars, Rémy Gentilhomme, est brutalement décédé d’une crise cardiaque à l’âge de 66 ans. Sa disparition nous affecte lourdement. Spécialiste reconnu de l’ingénierie patrimoniale, de la transmission d’entreprises familiales et du démembrement de propriété, domaines dans lesquels il a publié nombre d’ouvrages et d’articles de référence, Rémy Gentilhomme s’est, tout au long de sa carrière de notaire au sein de l’office Lexonot situé à Rennes, investi parallèlement dans l’enseignement en faculté de droit et dans les écoles de commerce, de même que dans les travaux du Conseil supérieur du Notariat. Il a apporté au Cercle la fraîcheur d’une réflexion personnelle et distanciée sur les dérives qu’il lui arrivait de relever dans le traitement fiscal des contribuables. En bref, il était un juriste et praticien de grande envergure, en même temps qu’un esprit libre toujours enclin à soutenir les thèses qu’il tenait pour justes sans crainte d’aller à rebours des idées reçues.

Ses collègues du Cercle, qu’il a contribué à fonder en 2006, rendent hommage à sa chaleur amicale et expriment à sa famille leur profonde sympathie face au deuil qui la frappe.