Avocat associé au cabinet FIDAL, directeur adjoint du département droit du patrimoine, Jean-François DESBUQUOIS met en évidence la position injustifiée de l’administration en matière de pactes Dutreil ISF, qui fragilise tous les grands groupes familiaux.
Dans une réponse ministérielle MOYNE BRESSAND du 13 août dernier, l’administration a pris une position très contestable en matière de pactes Dutreil ISF (885 I bis du CGI).
La question était de savoir si l’un des signataires de l’engagement collectif peut céder partiellement les titres qu’il y a placés au profit d’un autre signataire.
La ministre répond par la négative. Selon lui, toute cession partielle de titres entre signataires d’un engagement collectif de conservation ISF entraînerait pour le cédant une remise en cause totale du régime de faveur (perte de l’abattement de 75% sur la valeur taxable à l’ISF) tant pour les titres cédés que pour ceux qu’il conserve.
Cette position paraît totalement injustifiable en droit. Elle est d’abord directement contraire au texte même de l’article 885 I bis, b) du CGI qui prévoit expressément : « Les associés de l’engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l’engagement ».
Or cette liberté de cession entre les signataires n’est pas accidentelle mais a été voulue expressément par le législateur (ce qui ressort clairement des travaux parlementaires). Elle s’explique par l’objectif même de la loi qui vise à solidariser un groupe d’actionnaires assurant un noyau dur dans l’entreprise, en leur faisant conclure tous ensemble un engagement collectif de conservation avec le dirigeant. En cas de cession entre eux, l’engagement du cédant doit d’ailleurs être repris par l’acquéreur ce qui permet de toujours maintenir le même pourcentage d’actions dans le périmètre.
Cette nouvelle position est aussi en totale contradiction avec ce qu’avait admis l’administration dans ses précédents commentaires puisqu’elle reconnaissait que le signataire pouvait céder la totalité de ses actions sous engagement collectif à un autre signataire. Elle précisait que le cédant conservait alors sa qualité de signataire pour l’avenir ce qui lui permettait de réintégrer plus tard l’engagement collectif s’il le souhaitait.
Ce revirement de position de l’administration porte une grave atteinte à la sécurité juridique pour tous les grands groupes familiaux français qui utilisent largement ce dispositif. Ceci parait particulièrement grave pour un dispositif aussi important que le gouvernement s’était engagé à maintenir inchangé pendant tout le quinquennat (décision 26 du pacte de compétitivité du 6 novembre 2012).
Article rédigé par Jean-François DESBUQUOIS, membre du Cercle des Fiscalistes
Source : LES ECHOS BUSINESS du 21 mars 2014