Redevables de l’ISF : changements significatifs en vue

Publié le 23/05/2011

L’ISF va être substantiellement allégé en 2012 pour les patrimoines importants. Pour 2011, l’effort se porte sur les patrimoines inférieurs à 1 300 000 € qui sortent de l’ISF, ce qui vaut à ceux qui demeurent redevables le report au 30 septembre du délai de déclaration et de paiement.
1. Ce qui est appelé à changer en 2011
Les aménagements affectant la situation des redevables pour 2011 seront de deux ordres.
Les personnes dont le patrimoine taxable au 1er janvier 2011 est inférieur à 1 300 000 € seraient affranchies de l’ISF 2011 (et dégagées de toute obligation déclarative).
L’échéance de la déclaration et du paiement de l’ISF 2011 sera reportée au 30 septembre. Seront ainsi recevables jusqu’à cette date les souscriptions au capital des PME et les dons ouvrant droit à la réduction d’ISF.
2. Ce qui reste inchangé en 2011
Les titulaires d’un patrimoine égal ou supérieur à 1 300 000 € demeureront une dernière fois soumis à l’ISF sur la base du barème progressif (qui s’échelonne de 0,55 % à 1,8 %). En particulier, ils resteront redevables de l’ISF sur la tranche de leur patrimoine comprise entre 800 000 € et 1 300 000 €.
Les règles d’assiette et les dispositifs d’exonération resteront les mêmes.
Le plafonnement de l’ISF, appelé à jouer lorsque le total formé par l’ISF 2011 et l’IR dû au titre des revenus 2010 excédera 85 % des revenus de ladite année, s’appliquera une dernière fois au 30 septembre 2011.
De même, les redevables qui, au titre du bouclier fiscal, ont acquis un droit à restitution au 1er janvier 2011 à raison de la surtaxation subie par rapport à leurs revenus 2009, conserveront la possibilité de réduire à due concurrence leur versement d’ISF du 30 septembre 2011 (s’ils n’ont pas usé de la faculté d’en demander le paiement par le Trésor début 2011).
3. Ce qui s’appliquera à compter de 2012
Les caractéristiques essentielles du régime actuel seront maintenues : règles d’assiette, exonérations et notamment celle relative aux biens professionnels, réduction au titre des investissements dans les PME et des dons.
Mais quatre changements majeurs sont introduits :
– L’impôt n’est maintenu que pour les titulaires d’un patrimoine taxable d’au moins 1 300 000 € (seuil qui sera actualisé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR).
– L’impôt ne sera plus calculé par tranches, mais frappera à un taux unique l’intégralité du patrimoine taxable (sans franchise pour la fraction du patrimoine inférieur au seuil d’entrée dans l’ISF) : 0,25 % pour les titulaires d’un patrimoine inférieur à 3 000 000 € ou 0,50 % au-delà de 3 000 000 €.
– Il n’existera plus de plafonnement à 85 % des revenus.
– Le bouclier fiscal disparaîtra lui aussi : le dernier droit à restitution sera accordé au 1er janvier 2012 dans le cas où l’ISF 2011, augmenté de l’IR et des prélèvements afférents aux revenus 2010, aura excédé 50 % du revenu 2010. La créance ainsi calculée ne pourra servir qu’à alléger l’ISF dû à l’échéance du 15 juin 2012 et, si besoin est, au 15 juin des années suivantes jusqu’à épuisement (la voie d’une demande de remboursement ne reste ouverte qu’en cas de décès du titulaire de la créance ou de son conjoint, de séparation ou de cessation de l’assujettissement à l’ISF). A compter de 2012, il ne subsistera qu’une mesure de plafonnement de la taxe foncière afférente à l’habitation principale (cas où cette taxe excède 50 % des revenus du foyer).
3.1 Lissage des effets de seuil
Pour atténuer le ressaut qui résulte du passage brutal de l’exonération (patrimoine se tenant juste au-dessous du seuil de 1 300 000 €) à une taxation de 0,25 % portant sur l’intégralité du patrimoine (patrimoine dépassant ce seuil), une décote s’appliquera aux titulaires d’un patrimoine compris entre 1 300 000 € et 1 400 000 €.
Cette décote, égale à la différence entre la somme de 24 500 € et sept fois le montant de l’ISF calculé au taux de 0,25 %, aura pour effet de limiter :
– à 1 500 € l’impôt grevant un patrimoine égal à 1 300 000 € (l’ISF 2011 représente 2 750 € dans cette situation ; en 2012 il représenterait 3 250 € sans la décote),
– à 3 300 € l’impôt grevant un patrimoine s’élevant à 1 390 000 € (en 2011, l’ISF représente 3 405 € dans cette situation ; en 2012 il représenterait 3 475 € sans la décote).
De même, pour atténuer le ressaut qui résulte du passage du taux de 0,25 % à celui de 0,50 % pour les titulaires d’un patrimoine dépassant de peu la ligne des 3 000 000 €, une décote s’appliquera aux titulaires d’un patrimoine compris entre 3 000 000 € et 3 200 000 €
Cette décote, égale à la différence entre la somme de 120 000 € et sept fois et demie le montant de l’ISF calculé au taux de 0,50 %, aura pour effet de limiter :
– à 7 500 € l’impôt grevant un patrimoine s’élevant juste à 3 000 000 € (l’ISF dû à la même date sur un patrimoine de 2 900 000 € taxé 0,25 % s’élèvera à 7 250 €),
– à 11 750 € l’impôt grevant un patrimoine s’élevant à 3 100 000 € (alors que, sans décote, l’impôt atteindrait 15 500 €).
3.2 Ordre de grandeur de l’allégement lié à la révision des taux
On a vu précédemment que le nouveau mécanisme (avec sa décote) allège l’imposition grevant les patrimoines dépassant de peu 1 300 000 €. Ce phénomène s’amplifie à mesure que le patrimoine tend vers le seuil de 3 000 000 €.
A 2 000 000 €, le futur ISF représentera 37 % de moins qu’aujourd’hui (5 000 €).
A 2 500 000 €, il représentera 47 % de moins (6 250 €).
A 3 000 000 €, il représentera 54 % de moins (7 500 €).
Pour les patrimoines supérieurs taxables au taux de 0,50 %, l’allégement ira également croissant.
A 4 000 000 €, le futur ISF représentera 25 % de moins qu’aujourd’hui (20 000 € au lieu de 26 555 €).
A 10 000 000 €, il représentera 51 % de moins qu’aujourd’hui (50 000 € au lieu de 101 440 €).
3.3 Déclaration allégée pour les titulaires d’un patrimoine inférieur à 3 000 000 €
Les intéressés n’auraient plus à fournir la déclaration détaillée de leurs éléments d’actif et de passif. Ils auraient simplement à indiquer le montant de leur patrimoine taxable sur leur déclaration annuelle de revenus.
Ils recevront des avis d’imposition et auront la possibilité, à compter de 2013, d’opter pour la mensualisation pour cet impôt.
Cette simplification n’est toutefois qu’apparente car, en pratique, les contribuables resteront contraints d’établir à blanc la déclaration habituelle pour être en mesure de fournir à l’administration, à sa demande, la composition et l’évaluation détaillée de l’actif et du passif de leur patrimoine.
3.4 Majoration pour paiement tardif
Sous le régime actuel, le dépôt tardif de la déclaration d’ISF entraînant paiement tardif de l’impôt entraîne une majoration de 10 % à laquelle s’ajoute l’intérêt de retard (0,4 % / mois), tandis que l’impôt payé tardivement mais sur la base d’une déclaration souscrite à bonne date, entraîne une majoration de 5 % (plus l’intérêt de retard).
La majoration pour paiement tardif serait dorénavant celle de 10 % (redevables relevant de la déclaration normale ou allégée).
3.5 Exonération des biens professionnels : assouplissements
1° Actuellement, l’associé dirigeant de plusieurs sociétés soumises à l’IS toutes détenues à hauteur d’au moins 25 % n’est fondé à s’exonérer sur l’ensemble de ses participations que si ces sociétés ont une activité similaire ou, à défaut, des activités connexes et complémentaires. A compter de 2012, l’exonération s’appliquerait à tout détenteur de participations multiples du moment que chacune, prise isolément, satisfait à la qualification de biens professionnels (exercice d’une activité professionnelle par la société, direction assurée par le redevable et détention par lui d’au moins 25 % du capital avec son groupe familial) et que la somme des rémunérations reçues des sociétés concernées représente plus de la moitié des revenus d’activité du redevable.
2° Le législateur vient au secours des actionnaires dirigeants des sociétés soumises à l’IS dont la participation se trouve ramenée au-dessous du seuil de 25 % à la suite d’une augmentation de capital de la société (la situation peut notamment se rencontrer si celle-ci a procédé à l’absorption d’une entité qui n’est pas sa filiale). A condition qu’il ait été détenteur d’au moins 25 % du capital de la société tout au long des cinq années ayant précédé l’augmentation du capital et qu’il conserve (avec son groupe familial) un niveau de participation d’au moins 12,5 %, l’intéressé pourra sauvegarder son exonération en se liant à d’autres actionnaires par un pacte réunissant au total 25 % au moins du capital de la société, ce pacte devant exercer un pouvoir d’orientation dans la société.
3.6 Pactes Dutreil : assouplissement
Le signataire d’un engagement collectif de conservation peut obtenir l’exonération d’ISF sur les trois quarts de la valeur des titres (engagement d’une durée minimale de deux ans et réunissant 34 % du capital de la société ou 20 % si celle-ci est cotée). Aujourd’hui, il encourt la déchéance des exonérations partielles qu’il a obtenues au 1er janvier de chacune des années qui ont suivi la date de conclusion de l’engagement s’il cède à un tiers moins de six ans après cette date ne serait-ce qu’une fraction des titres qu’il avait soumis à engagement. Dorénavant, les exonérations seraient sauvegardées si le tiers accepte de s’associer à l’engagement collectif en cours pour les titres acquis. Cet engagement serait alors reconduit pour une durée minimale de deux ans à l’égard de l’ensemble des signataires.
Cette mesure profitera également aux signataires non cédants dans le cas où la cession au tiers fait baisser la quotité des titres restés sous engagement au-dessous du seuil requis de 34 % ou de 20 % au cours des deux premières années de l’engagement, situation dans laquelle les intéressés, actuellement, perdent le bénéfice des exonérations obtenues antérieurement.
Le cessionnaire accédera dans ce cas à l’exonération partielle, laquelle lui sera définitivement acquise s’il conserve ses titres jusqu’à l’achèvement d’une période de six ans qui devrait normalement être décomptée depuis la date de souscription de l’engagement en cours (et non celle de la signature de l’avenant).

Pour les signataires autres que le cédant, la reconduction de l’engagement n’est source d’aucune sujétion particulière : le bénéfice des exonérations antérieures est définitif à la seule condition que les titres soient conservés jusqu’au terme de la période de six ans qui suit la date de souscription de l’engagement initial, de sorte qu’il importe peu pour eux qu’un engagement datant par exemple de cinq ans soit reconduit pour deux ans.

Source : Article paru dans « Option Finance » 23 mai 2011

 Article rédigé par Jean-Yves Mercier, Avocat associé, CMS Bureau Francis Lefebvre

 

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