Veut-on à nouveau l’exil des actionnaires ?

Publié le 23/11/2009


Par Luc Jaillais et Jean-Yves Mercier, avocats associés, CMS Bureau Francis Lefebvre, membres du Cercle des Fiscalistes

Les résultats désastreux du déplafonnement de l’ISF sont-ils à ce point perdus dans les mémoires que l’on s’avise aujourd’hui de retirer aux actionnaires une part substantielle de la protection que leur avait apportée le bouclier fiscal?

Un dividende de 100 n’est soumis à l’impôt progressif sur le revenu que sur 60. Est-ce un cadeau ? Evidemment non. En effet, la distribution de ce dividende a nécessité la réalisation par la société d’un résultat de 150 sur lequel elle a acquitté un IS de 50. Pour un actionnaire imposé au taux de 40 %, l’IR de 24 (60 x 40 %) n’est donc qu’un élément d’une imposition globale atteignant en réalité 74 pour un bénéfice d’origine de 150. En regard, un salaire de 150 admis dans les charges d’un employeur assujetti à l’IS ne supporte au plus qu’une imposition de 60 (concentrée sur le seul bénéficiaire).

Pour l’application du bouclier fiscal, qui plafonne les impôts directs à 50 % du revenu, le dividende n’a jusqu’à présent formé revenu que pour son montant effectivement imposable : 60 % du dividende encaissé. Cette méthode est juste car l’actionnaire n’a un droit à restitution qu’au titre des impôts qu’il supporte lui-même. Il lui est interdit de récupérer l’IS qu’a supporté la société distributrice et dont l’existence est la justification de l’abattement appliqué sur le revenu.

On aurait pu tout aussi bien décider que le dividende entre pour son montant plein dans l’indicateur du revenu : mais il aurait fallu alors rendre restituable une partie de l’IS payé à la source par la société distributrice.

L’amendement qui vient d’être voté par l’Assemblée Nationale avec l’accord du Gouvernement va dans cette voie sans prendre soin toutefois d’instituer le correctif indiqué. Il s’agit dans ces conditions d’une pénalisation indéfendable. Indéfendable économiquement. Indéfendable au regard des exigences constitutionnelles car comment justifier que l’appréciation de la capacité contributive de l’actionnaire soit plus sévère lorsqu’il s’agit de corriger les excès de la pression fiscale qu’elle ne l’est à la base, pour le calcul de l’impôt lui-même.

Source : Option Finance, édition du 23 novembre 2009

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