L’impact funeste de la fiscalité sur notre tissu industriel

Publié le 1/02/2016

En France, l’impôt est censé être plafonné à 75%. C’est faux. En théorie, l’impôt sur la fortune (ISF) et l’impôt sur le revenu (IR), ajoutés à cela la CSG, ne peuvent représenter plus de 75 % des revenus. Mais c’est faire fi de l’impôt foncier et de la taxe d’habitation, qui viennent grever la masse des impôts payés. Même problème au niveau de l’assiette, car une plus-value exonérée peut être considérée comme un revenu. Quelle logique économique y a-t-il à cela ? Exemple : vous vendez votre résidence principale et faites une plus-value. Cette dernière est exonérée d’impôt au titre de la résidence principale. Or, ce revenu entre finalement dans l’assiette imposable sur le revenu et sur la fortune. Le plafond de 75 % devient donc caduc. Un contribuable peut ainsi se voir contraint à acquitter 120 % de ses vrais revenus taxables. Ce qui est très choquant ! Certes, il est évident que ce niveau de taxation correspond à des mouvements de capitaux significatifs. Mais quand vous arrivez à ce niveau de contribution, il y a tout de même un petit problème… Avec un tel effet ciseau entre assiette et impôts pris en compte dans le calcul du plafond, il ne faut pas s’étonner que les recettes fiscales chutent.

De 4 000 à 10 000 personnes sont, de ce fait, contraintes de tirer sur leur capital pour acquitter leur impôt chaque année. Certains contribuables sont concernés par la première fois – et de manière un peu brutale – lorsqu’ils vendent leur résidence principale à un prix important ou cèdent leur entreprise. Or, ce choc suffit à les faire partir alors qu’ils n’auraient peut-être pas payé autant d’impôt l’année suivante. D’autres sont amenés à emprunter pour vivre, ce qui est absurde. Et cela motive, évidemment, des délocalisations.

En effet, la réduction des dividendes peut démotiver certains minoritaires, qui, eux, ne sont pas concernés par cette surtaxation de leurs revenus, mais par l’ISF et qui voient chuter le rendement de leur capital. Les actionnaires majoritaires qui n’auraient pas les moyens de racheter leurs parts peuvent être mis en demeure de le faire et donc contraints de vendre à un groupe à l’étranger. J’ai connu un cas où les propriétaires ont cédé et sont désormais domiciliés à Bruxelles. De leur groupe industriel, il ne reste plus qu’une usine sur trois localisée en France. De plus en plus, les montants de dividendes distribués sont désormais motivés par des nécessités fiscales et non plus par des décisions stratégiques prises au nom de l’intérêt de l’entreprise. Quand on en arrive là, on marche sur la tête. Il serait tout de même temps de faire coïncider la réalité fiscale et la réalité économique. Les décideurs politiques esquivent les effets pervers de cette fiscalité, qui peut pourtant aller jusqu’à la vente de l’entreprise. C’est un gâchis phénoménal ! Bernard Monassier est président de BM Family Office et vice-président du Cercle des fiscalistes

Pour aller plus loin :
Réforme fiscale

Fiscalité : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent »

Les fiscalistes Philippe Bruneau et Jean-Yves Mercier examinent, dans une tribune au « Monde », une série de propositions en matière fiscale faites par les candidats à l’élection présidentielle et constatent que leur faisabilité juridique se heurte aux règles constitutionnelles françaises.

Réforme fiscale

Doper le pouvoir d’achat des Français par une baisse de la CSG

La baisse doit s’accompagner d’une augmentation du temps passé à travailler. De l’effort des actifs dépend la création de richesses supplémentaires qui fourniront aux intéressés des revenus complémentaires, accroîtront les recettes budgétaires liées à la vente de davantage de biens et services, et serviront à financer la baisse des prélèvements qui frappent les revenus de tout un chacun.

Réforme fiscale

Le casse-tête budgétaire créé par la crise sanitaire

Pour résoudre une équation complexe, le Cercle des fiscalistes propose d’utiliser l’épargne abondante des Français en émettant un nouveau grand emprunt national.


Notre Cercle perd l’un de ses membres fondateurs

Ce lundi 13 mars, Rémy Gentilhomme, est brutalement décédé d’une crise cardiaque à l’âge de 66 ans. Sa disparition nous affecte lourdement. Spécialiste reconnu de l’ingénierie patrimoniale, de la transmission d’entreprises familiales et du démembrement de propriété, domaines dans lesquels il a publié nombre d’ouvrages et d’articles de référence, Rémy Gentilhomme s’est, tout au long de sa carrière de notaire au sein de l’office Lexonot situé à Rennes, investi parallèlement dans l’enseignement en faculté de droit et dans les écoles de commerce, de même que dans les travaux du Conseil supérieur du Notariat. Il a apporté au Cercle la fraîcheur d’une réflexion personnelle et distanciée sur les dérives qu’il lui arrivait de relever dans le traitement fiscal des contribuables. En bref, il était un juriste et praticien de grande envergure, en même temps qu’un esprit libre toujours enclin à soutenir les thèses qu’il tenait pour justes sans crainte d’aller à rebours des idées reçues.

Ses collègues du Cercle, qu’il a contribué à fonder en 2006, rendent hommage à sa chaleur amicale et expriment à sa famille leur profonde sympathie face au deuil qui la frappe.