Place à l’épargne de long terme

Publié le 18/04/2012

Selon l’INSEE, les français n’ont jamais mis autant d’argent de côté puisque leur taux d’épargne représente quasiment 17 % de leurs revenus. Ce constat n’est pas une bonne nouvelle. D’abord parce que ce taux record pénalise la consommation, mais surtout parce qu’il ne s’agit pas d’une épargne de long terme qui serait profitable à notre économie.

La part du patrimoine des français dédiée aux actifs longs, principalement les actions, est en effet relativement faible. En 2011, nos compatriotes se sont davantage portés vers des placements plus liquides (livrets, dépôts à terme…) et plus sécuritaires (assurance-vie en euro). Des placements dont l’effet bénéfique sur notre économie est très marginal. Cette situation pénalise à la fois nos entreprises, qui manquent de fonds propres, mais aussi les ménages dans leur capacité à préparer leur avenir. Un des défis actuels auquel est confronté notre pays est donc bien d’orienter cette épargne abondante vers des investissements de long terme.

Les facteurs qui jouent contre cette évolution sont connus : une augmentation de l’aversion au risque des épargnants, leur défiance vis-à-vis des marchés financiers, une régulation (Bâle III et Solvabilité II) qui freine l’investissement de long terme des investisseurs institutionnels, et une fiscalité du patrimoine non incitative. Pourtant, l’épargne de long terme n’est pas dénuée d’avantages. Elle représente une source de financement pérenne pour les entreprises, permet aux ménages de se constituer une épargne longue nécessaire pour se prémunir contre les aléas de la vie et préparer leur retraite, et favorise la stabilité financière en réduisant la volatilité des marchés financiers.

La fiscalité constitue vraisemblablement l’outil principal dont dispose l’Etat pour orienter l’épargne vers des investissements de long terme. En France, la fiscalité de l’épargne est à la fois élevée, illisible et instable. Elevée, puisque son taux implicite est le plus haut d’Europe. Illisible, car à force de la modifier par petites touches sans grande cohérence, elle ressemble plus à un patchwork qu’à un système ayant du sens. Instable, lorsqu’en 2011, pas moins de quatre lois de finances en ont modifié les règles du jeu.

Doter notre pays d’une fiscalité favorisant l’épargne de long terme est devenue une nécessité qui devrait figurer dans toutes les professions de foi des candidats à l’élection présidentielle.

Philippe Bruneau

Président du Cercle des Fiscalistes

Source: Article paru dans le journal « Le Monde » du 18/04/2012

Pour aller plus loin :
Réforme fiscale

Fiscalité : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent »

Les fiscalistes Philippe Bruneau et Jean-Yves Mercier examinent, dans une tribune au « Monde », une série de propositions en matière fiscale faites par les candidats à l’élection présidentielle et constatent que leur faisabilité juridique se heurte aux règles constitutionnelles françaises.

Réforme fiscale

Doper le pouvoir d’achat des Français par une baisse de la CSG

La baisse doit s’accompagner d’une augmentation du temps passé à travailler. De l’effort des actifs dépend la création de richesses supplémentaires qui fourniront aux intéressés des revenus complémentaires, accroîtront les recettes budgétaires liées à la vente de davantage de biens et services, et serviront à financer la baisse des prélèvements qui frappent les revenus de tout un chacun.

Réforme fiscale

Le casse-tête budgétaire créé par la crise sanitaire

Pour résoudre une équation complexe, le Cercle des fiscalistes propose d’utiliser l’épargne abondante des Français en émettant un nouveau grand emprunt national.


Notre Cercle perd l’un de ses membres fondateurs

Ce lundi 13 mars, Rémy Gentilhomme, est brutalement décédé d’une crise cardiaque à l’âge de 66 ans. Sa disparition nous affecte lourdement. Spécialiste reconnu de l’ingénierie patrimoniale, de la transmission d’entreprises familiales et du démembrement de propriété, domaines dans lesquels il a publié nombre d’ouvrages et d’articles de référence, Rémy Gentilhomme s’est, tout au long de sa carrière de notaire au sein de l’office Lexonot situé à Rennes, investi parallèlement dans l’enseignement en faculté de droit et dans les écoles de commerce, de même que dans les travaux du Conseil supérieur du Notariat. Il a apporté au Cercle la fraîcheur d’une réflexion personnelle et distanciée sur les dérives qu’il lui arrivait de relever dans le traitement fiscal des contribuables. En bref, il était un juriste et praticien de grande envergure, en même temps qu’un esprit libre toujours enclin à soutenir les thèses qu’il tenait pour justes sans crainte d’aller à rebours des idées reçues.

Ses collègues du Cercle, qu’il a contribué à fonder en 2006, rendent hommage à sa chaleur amicale et expriment à sa famille leur profonde sympathie face au deuil qui la frappe.