L’assurance-vie est-elle encore un must fiscal ?

Publié le 30/10/2023

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SPÉCIAL PLACEMENTS – Le placement préféré des Français reste le seul support permettant de valoriser son patrimoine en différant tout prélèvement.

Par Philippe Baillot, enseignant à l’Université Paris-Panthéon-Assas, membre du Cercle des fiscalistes.

Publication parue dans Le Point, 26 octobre 2023

Le succès de l’assurance-vie a longtemps été attribué à sa fiscalité. En réalité, il découle exclusivement de la baisse des taux longs, passés de près de 16 % en 1980 à moins de 0 % en 2020. Les fonds en euros étant essentiellement investis en obligations longues, ils se sont alors trouvés en parfaite adéquation avec une période unique, aujourd’hui révolue, de baisse des taux.

Et « en même temps », les pouvoirs publics ont cru pouvoir sans dommage aligner progressivement la fiscalité de l’assurance-vie sur le droit commun avec : une suppression de tout avantage à la souscription (dès 1998) ; l’assujettissement de ses produits en cas de vie, pour l’essentiel, à la flat tax ; un alourdissement continu des prélèvements dus sur les capitaux décès (de o à 31,25 % !). Cette aggravation se double de l’exigibilité, contre toute logique, de la CSG (à 17,2 %), au fur et à mesure sur les produits des fonds en euros et, le jour de la disparition de la tête assurée, sur les plus-values « dégagées » sur les unités de compte.

Aussi bien, de nos jours, le roi est-il nu. Dans la phase passée de baisse des taux longs, le « placement préféré des Français» a pu leur offrir concomitamment la sécurité, la rentabilité et la liquidité ! Demain, il n’en ira plus de même. Les fonds en euros ne proposeront plus à l’avenir qu’une rentabilité limitée, surtout à l’aune de leurs performances passées, et une liquidité conditionnée à l’appréciation des risques financiers pour les pouvoirs publics. Quant aux contrats en unités de compte, en l’absence de toute garantie, ils n’offriront que la rentabilité — érodée de frais majorés — de leur marché sous-jacent, assortie, normalement, de la seule liquidité.

Pour consoler les épargnants, il reste loisible d’observer, au moins temporairement, quelques charmes fiscaux subsistants pour l’assurance-vie. Les arbitrages, même «bénéficiaires», entre unités de compte au sein d’un contrat d’assurance-vie multisupport ne déclenchent aucun prélèvement fiscal ou social. Ces arbitrages ne sauraient, en effet, s’analyser en une cession de valeurs mobilières, l’assureur étant le seul propriétaire des actifs considérés. De même, la valorisation de l’épargne investie ne souffre-t-elle d’aucune imposition intermédiaire. Les contrats d’assurance-vie multisupport constituent donc le seul support exempt de toute limite en montant et contrainte dans l’allocation d’actif — permettant de valoriser son patrimoine en suspension de tout prélèvement,

En matière de transmission, l’assurance-vie présente encore un certain nombre d’avantages. Les capitaux versés aux bénéficiaires désignés ne seront assujettis à un prélèvement fiscal qu’après un abattement de 152 50o euros par bénéficiaire, sans limite de nombre. Au-delà, les sommes recueillies seront soumises à une imposition de 20 % jusqu’à 700 000 euros puis au taux de 31,25 %, toujours par bénéficiaire.

Au regard de l’exceptionnelle lourdeur des droits de succession en France, cette fiscalité peut apparaître privilégiée. Il reste à observer que ses seuils n’ont jamais été revalorisés et se dégradent donc annuellement au rythme de l’inflation. À titre d’exemple, l’abattement d’assiette aurait dû être porté à plus de 23o 000 euros pour simplement conserver sa valeur initiale de 1998 ! Surtout le fait générateur de l’imposition réside en la disparition de la tête assurée, souhaitée la plus lointaine possible. Or, en l’absence dans notre fiscalité de clause dite du «grand-père», rien n’empêche le législateur de modifier la loi entre-temps. La loi nouvelle trouvera alors à s’appliquer sans revêtir le moindre caractère rétroactif. À terme, l’assurance-vie pourrait donc ne plus proposer d’avantages qu’aux transmissions dévolues à un nombre élevé d’héritiers ou à des non-parents (imposables à 6o %), le conjoint étant exonéré par le jeu de la loi Tepa.

En attendant le terme de la convergence en cours sur le droit commun des successions, l’assurance-vie offre réellement encore quelques attraits — financiers, juridiques et fiscaux — dont il serait dommage de ne pas profiter. Au demeurant : what else ?

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