Menace sur l’assurance-vie

Publié le 23/11/2021

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LA TENTATION EST FORTE DE DURCIR LE RÉGIME FISCAL DE L’ASSURANCE-VIE APRÈS LA PRÉSIDENTIELLE, PEUT-ÊTRE MÊME AVEC UN EFFET RÉTROACTIF, S’ALARMENT LES AUTEURS, PRÉSIDENT ET MEMBRE DU CERCLE DES FISCALISTES.

Publié dans Le Figaro, le 18/11/2021).

Avec la présidentielle, le moment de vérité approche pour le rétablissement de nos comptes publics et son éventuel corollaire, la hausse des prélèvements obligatoires. En France, caractérisée par des droits de succession très élevés, bien plus que ceux perçus par nos voisins européens (certains les ont même supprimés), l’assurance-vie passe pour un havre fiscal. L’observation doit être relativisée eu égard au contexte qui vient d’être rappelé. Nous pensons qu’il est juste d’affirmer que le régime de l’assurance-vie introduit une salutaire bouffée d’oxygène.

Le marché de l’assurance-vie représente un encours proche de 1 900 milliards d’euros détenus par plus de 18 millions d’épargnants français. C’est ce qui fait sa force et sa faiblesse. Sa force, car tout homme politique avisé hésitera avant d’alourdir trop fortement son régime fiscal de peur des réactions de l’opinion. Sa faiblesse, car quelques points de hausse d’impôt représentent des sommes considérables devant lesquelles les argentiers de Bercy pourraient ne pas résister.

Nombre de projets inquiétants relatifs au traitement juridique et fiscal des capitaux versés, au décès de l’assuré, à ses bénéficiaires désignés, sont déjà sur la place publique. Le rapport sur « la réserve héréditaire », remis à la ministre de la Justice le 13 décembre 2019, recommande de soumettre « pour les seuls aspects civils, l’assurance-vie au droit commun des successions et des libéralités ». L’adoption de cette suggestion limiterait encore la liberté des Français dans l’organisation de la dévolution de leur patrimoine. Les capitaux transmis au titre de l’assurance-vie devraient alors se tenir dans une limite qui préserve les droits des héritiers réservataires. Et elle laisserait présager à court terme la disparition de son intérêt fiscal en matière de transmission.

Intérêt d’ailleurs largement érodé ces derniers temps. Si pour les assurés qui ont alimenté leur contrat avant l’âge de 70 ans les droits de succession sont évités à leur décès, une taxation spéciale s’applique lorsque le capital transmis provient de primes versées à compter d’octobre 1998. Certes, la base de cette taxation est atténuée d’un abattement de 152 500 euros qui profite à chaque bénéficiaire, mais dont le montant n’a pas été revalorisé depuis 2002. Rien ne laisse espérer une actualisation qui serait pourtant légitime, car chaque année qui passe érode l’abattement du taux de l’inflation. En outre, le taux de la taxe, initialement fixé uniformément à 20 %, a été porté à 31,25 %, au-delà de 700 000 euros par bénéficiaire. Ainsi le traditionnel différentiel des droits dus entre une succession et l’assurance-vie se trouve-t-il déjà minoré.

Et ce n’est pas terminé. La menace est sérieuse de le voir encore réduit lorsqu’on lit le rapport que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a consacré en 2018 à la fiscalité du patrimoine. Il suggère « la poursuite de la réduction, voire la suppression de l’avantage successoral de l’assurance-vie ». Le rapport de juin dernier sur « les grands défis économiques », dit « Blanchard-Tirole », qualifie pour sa part l’assurance-vie d’« un des exemples les plus flagrants » des « trop nombreuses » possibilités d’échapper aux droits de succession.

Il conviendrait donc d’interroger chaque candidat sur ses intentions.

En toute hypothèse, si une réforme de la fiscalité de l’assurance-vie doit survenir, il faudra veiller à ce qu’elle ne soit pas rétroactive, c’est-à-dire qu’elle ne s’applique pas aux primes déjà versées mais frappe les seuls versements futurs, selon la logique de la clause dite de « grand-père » (terme qui veut qu’une mesure fiscale aggravante ne s’applique qu’aux nouveaux entrants et épargne les personnes déjà en place). Tel ne serait pas le cas si cette réforme devait s’appliquer à compter des décès postérieurs à sa promulgation. Les assurés ressentiraient alors clairement qu’on leur applique une mesure rétroactive : elle viendrait modifier les modalités de taxation d’une épargne préalablement constituée, sous l’empire d’une législation antérieure qu’ils pensaient pérenne.

On ne peut que se réjouir de constater que le CPO lui-même énonce dans son rapport une recommandation visant à « renforcer la prévisibilité des prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, notamment par le recours aux clauses dites de “grand-père” » (…) Selon la même logique de respect des situations existantes, le président de la République a souligné le 12 juillet que les régimes spéciaux de retraite devront être supprimés pour les seuls « nouveaux employés dans ces secteurs ». Les épargnants méritent-ils moins d’égard que les salariés de la SNCF ?

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