Une hausse masquée de nos impôts

Publié le 12/09/2022

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Dans le cadre de sa déclaration de politique générale, la Première ministre a posé solennellement en « troisième principe [de l’action de son gouvernement], le respect ferme de l’engagement pris par le président de la République devant les Français : pas de hausses d’impôts ». Depuis, cette antienne est répétée à satiété. Pour autant, la promesse présidentielle n’est nullement respectée, sur deux plans essentiels.

Afin d’illustrer son propos, Madame Elisabeth Borne soulignait que « dès cet été, nous tiendrons parole. La suppression de la redevance audiovisuelle permettra de faire économiser 138 euros à plus de 20 millions de foyers ». Elle poursuivait son propos, en mentionnant que cette « suppression » irait de pair « avec une réforme du financement de l’audiovisuel public qui garantira son indépendance et des moyens pérennes ».

 

Philippe Baillot est membre du Cercle des fiscalistes, enseignant à l’Université Paris II (Panthéon-Assas).

Publié par Les Échos, le 12 août 2022

Suppression de la taxe mais accroissement du déficit

Cette dernière assertion est une parfaite illustration du « en même temps ». Ainsi, en l’absence énoncée de toute véritable suppression de la dépense publique correspondant à cette taxe dédiée, sa prétendue abolition ne correspond qu’à un accroissement de notre déficit public à l’euro près. Quant au financement apparent de notre audiovisuel public, en l’« absence de réflexion stratégique » selon les propres termes du rapporteur général du budget, il devrait être assuré – jusqu’au 31 décembre 2024 ! – par l’affectation d’une fraction du produit de la TVA.

Le poids de la redevance télé ne disparaît donc qu’en apparence du budget de 20 millions de foyers, car il pèsera à l’avenir sur l’ensemble des foyers français, selon une répartition ignorée.

Surtout, en l’absence d’indexation sur l’inflation de nos seuils d’imposition, à l’heureuse exception (depuis hier !) du seul impôt sur le revenu, la promesse gouvernementale « n’engage que ceux qui l’écoutent ». À cet égard, avec la disparition récente et handicapante d’une majorité parlementaire stable pour le gouvernement, la sentence de Milton Friedman prend même un sens nouveau : « Inflation is the one form of taxation that can be imposed without legislation ! » [l’inflation est la seule forme de taxation qui peut être imposée sans législation, NDLR]. Le « placement préféré des Français » offre une parfaite illustration de cette assertion, dans sa dimension fiscale.

 

L’assurance-vie de facto de plus en plus imposée

Depuis 1998, notre législation prévoit un abattement de 152.500 euros par bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, avant de taxer les capitaux décès réglés à l’occasion de la disparition d’une tête assurée. Or, depuis 1998, cet abattement n’a jamais été réévalué !

Ainsi, en l’absence de tout vote de nos représentants, l’imposition de l’assurance-vie s’est-elle accrue chaque année. Pour éclairer ce glissement annuel, l’abattement susvisé aurait dû – pour simplement stabiliser la taxation considérée – s’élever en début d’année à 205.500 euros et être porté à 224.000 euros en fin d’année, par suite de la reprise actuelle de l’inflation.

Étrangement, la loi [dite] sur le pouvoir d’achat ne comporte aucune disposition à cet égard.

Naturellement, la même observation vaut pour l’indexation du montant de 700.000 euros par bénéficiaire qui voit, en cas de dépassement, porter la taxation applicable de 20 à 31,25 % depuis 2014.

La législation fiscale régissant l’assurance-vie offre une autre illustration du refus de nos gouvernants de prendre en compte l’inflation – jusque dans ses acceptions les plus heureuses – pour refréner la hausse de nos prélèvements publics.

L’économiste Milton Friedman disait que l’inflation était la seule forme de taxation qui pouvait être imposée sans changer la législation !

Ainsi, depuis 1991, notre législation prévoit l’assujettissement aux droits de succession des capitaux décès, à concurrence des primes versées après l’âge de 70 ans, excédant 30.500 euros. Aussi bien ce montant n’a-t-il pas été réévalué depuis plus de trente ans ! À un tel horizon de temps, l’accroissement de l’imposition induit ne peut même plus être qualifié de furtif… Pire encore, une autre forme heureuse d’« inflation » n’a pas plus été prise en compte par notre législation, avec la même conséquence d’augmentation des prélèvements induits : l’accroissement de l’espérance de vie depuis 1991. Par son seul jeu, l’âge pris en compte par le législateur aurait dû être porté à plus de 75 ans…

Pour réellement « protéger le pouvoir d’achat » des Français, le gouvernement devrait diminuer la dépense publique et, mieux encore, la rendre plus efficiente. Si l’on observe les quarante dernières années, cette proposition semble malheureusement relever de la pensée magique.

Pour le moins, pour mettre en cohérence ses déclarations et ses actions, le législateur pourrait-il utilement indexer enfin les seuils d’imposition pour éviter aux épargnants une « double peine » : voir leurs capitaux érodés et, « en même temps, » leur imposition accrue par le jeu de l’inflation

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