Ce n’est pas en taxant les riches que l’Etat s’enrichira

Publié le 8/07/2010

Les révélations sur les comptes offshore que détiendrait Mme Bettencourt sont l’illustration des questions que pose aujourd’hui notre système fiscal. Pourquoi une personnalité aussi respectable que celle-ci serait-elle amenée à détenir des avoirs clandestins à l’étranger ?

Les explications seraient certainement variées et contradictoires. Cependant, on peut se demander si ce n’est pas, tout simplement, la conséquence d’un système fiscal à bout de souffle, complexe et financièrement insupportable à un certain niveau de prélèvement.

Compte tenu des finances de l’Etat, une refonte de notre fiscalité ne deviendrait-elle pas une nécessité vitale? Quel principe devrait guider la réflexion de nos gouvernants ? Quelques idées simples.
Un impôt, pour être efficace et accepté par le citoyen contribuable, doit d’abord être à assiette large et à taux faible. Tenter de faire croire que taxer le revenu et le capital des classes les plus fortunées serait la solution miracle est un leurre, voire un mirage. A 1,8 % de taux marginal, notre taxation de la détention du capital est la plus élevée du monde. Augmenter I’ISF n’aurait qu’un rendement faible, de quelques dizaines ou centaines de millions d’euros. Même en le portant à 4 % et en relevant les droits de succession à 60 % en ligne directe, et l’impôt sur le revenu avec la CSG de 20% sur les hauts revenus, on ne réglerait pas le déficit de I’Etat.

En outre, mettre en place des impositions à des taux quasi confiscatoires est, en réalité, une mission impossible. Les contribuables trop taxés quitteraient le territoire national ou chercheraient des montages sophistiqués, que leurs moyens permettent.

Depuis des décennies, inconsciemment ou consciemment, nos législateurs ont compris cette situation. Ils ont multiplié les exceptions, les exemptions, les réductions, les déductions, les niches dans tous les types d’impôts. Résultat, notre système fiscal est complètement mité. Aussi, augmenter les impôts sans régler les moyens de détourner les taux d’imposition élevés n’aurait qu’un effet d’affichage, sans réelle rentabilité.

II faut cependant trouver des recettes. Tous les Français, quels que soient leur niveau social ou leurs revenus, doivent s’attendre à voir leur imposition augmenter, dans les années à venir.

Ramener, par exemple, le total de l’impôt sur le revenu plus la CSG à 30 %, en supprimant toute exception, diminution, réduction, rapporterait plus que le taux actuel, car il ne faut pas oublier que la moitié des Français ne paie pas l’impôt sur le revenu, et que celui-ci ne pèse que 7,4 % de notre produit intérieur brut, contre 9,4 % dans la moyenne de l’OCDE. Augmenter de 1 point la TVA rapporterait beaucoup plus que de taxer les grandes fortunes ou les revenus élevés, à condition, bien entendu, d’exclure de cette augmentation les produits de première nécessité et de baisser certaines charges sociales. Ces mesures simples, malheureusement, touchent les classes moyennes. Ce n’est pas facile à vendre, politiquement, mais c’est déjà ce que Mazarin disait à Colbert si l’on en croit la pièce de théâtre Le Diable rouge, récemment donnée à Paris.

Source : article paru dans Challenges le 8 juillet 2010

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