La cotisation subsidiaire PUMa : un missile que nul n’avait pas vu partir

Publié le 24/04/2018

Article paru dans L’Opinion le 24/04/2017

L’efficacité d’une bombe à retardement se mesure à son effet de surprise. A cette aune, la cotisation subsidiaire PUMa en revêt tous les atours dans le paysage des prélèvements obligatoires. La protection universelle maladie, dite PUMa, dont jouit tout résident français se révèle pour certains d’un coût exhorbitant. Ils ont fait cette amère découverte en novembre 2017, lors de la réception de la facture de leur « cotisation subsidiaire maladie » pour l’année 2016. Cette cotisation a frappé les personnes qui, au cours de ladite année, ont tiré de leur activité professionnelle en France un revenu imposable très faible (moins de 3 862 euros) et n’ont perçu ni retraite, ni pension, ni rente ni allocation de chômage. Elle atteint au taux de 8 % la fraction excédant 9 654 euros des revenus patrimoniaux (revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers et plus-values).

Cette cotisation instituée en 2015 qui n’a suscité aucune protestation devant le Conseil constitutionnel présente de graves défauts de conception.

Primo, elle atteint les personnes résidant en France qui exercent à l’étranger leur activité professionnelle. En effet, sauf cas des frontaliers travaillant en Suisse, elle n’épargne pas les actifs qui, cotisant à l’assurance maladie dans l’Etat où ils travaillent, sont déjà assurés pour leurs dépenses de santé. Un sérieux doute pèse donc sur l’orthodoxie de cette mesure, notamment au regard du droit européen.

Secundo, les exploitants dont l’activité est déficitaire – dont de nombreux agriculteurs – sont frappés si leurs revenus patrimoniaux dépassent 9 864 euros. Or, déjà sur cette seule première tranche de leurs revenus patrimoniaux, la CSG, la CRDS et les prélèvements sociaux les auront forcés à verser à la sécurité sociale 1 529 euros (9 864 x 15,5%). Sachant qu’un actif échappe à la cotisation subsidiaire avec un revenu minimal d’activité de 3 862 euros qui n’entraîne que 502 euros de cotisations, on ne peut qu’être frappé par l’inégalité de traitement des deux situations.

Last but not least, la situation des personnes qui vivent amplement des revenus de leur patrimoine sans avoir d’activité professionnelle ni toucher la moindre pension ou rente vire à la caricature. Elles aussi sont soumises à la cotisation subsidiaire, et sans limite. Le titulaire de revenus fonciers atteignant 1 million d’euros sera ainsi invité à régler à ce titre 79 210 euros, soit 157 fois plus que le minimum exigé d’un actif pour être dispensé de la cotisation subsidiaire. Cette somme s’ajoutera aux 155 000 euros déjà versées au titre de la CSG/CRDS et des prélèvements sociaux, à l’impôt sur le revenu de 430 370 euros et à la contribution sur les hauts revenus de 27 500 euros. Soit un prélèvement total de 692 080 euros représentant 69,2 % du montant des revenus. On arrive ainsi à un niveau de pression fiscale et sociale excédant celui de 66 % à partir duquel il est considéré comme confiscatoire par le Conseil constitutionnel.

Il serait malsain que le législateur attende que le juge sévisse pour corriger les défauts criants de cette réglementation. C’est à tort qu’ont été pris pour cible les revenus patrimoniaux déjà sollicités à hauteur de 17,2 % pour équilibrer les comptes sociaux. Et même s’il paraissait justifié de maintenir sur ces revenus la double ponction actuelle, le montant de la cotisation subsidiaire devrait à tout le moins être plafonnée.

Philippe BRUNEAU et Jean-Yves MERCIER, respectivement Président et membre du Cercle desfiscalistes.

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