Réflexions iconoclastes sur les niches fiscales

Publié le 23/01/2012

Depuis quelques mois, il suffit de prononcer les mots « niches fiscales » pour voir son interlocuteur sauter comme un « cabri », pour reprendre une expression favorite du général de Gaulle à propos de l’Europe. Il suffirait de supprimer les niches fiscales pour retrouver un équilibre budgétaire, sans délai. Le propos n’est-il pas simpliste ? Il faut rappeler quelques principes que tous les hommes politiques semblent avoir oublié.
Du XIXe siècle, jusqu’en 1914, le budget de notre pays ne comportait aucune niche fiscale. Elles sont apparues, progressivement, après la guerre de 1914 et se sont multipliées ces 20 dernières années. Il faut s’interroger sur les raisons de leur apparition dans notre système fiscal. Durant tout le XIXe siècle, l’Etat considérait qu’il devait percevoir des recettes fiscales, uniquement pour faire face à des dépenses régaliennes : armée, police, justice, etc. Puis, sous l’influence des idéologies socialisantes, on a décidé que l’impôt devait, non seulement contribuer à financer le budget de l’Etat, mais aussi se devait d’être un instrument au service de la politique économique et sociale du gouvernement en place.
Fort de ce nouveau principe, qui devait se faire retourner dans leur tombe, les fondateurs du droit des finances publiques, on a vu se multiplier les mesures en faveur de l’emploi, la construction, le cinéma, la forêt, etc. De ce fait, aujourd’hui, notre code général des impôts (CGI) est devenu un patchwork illisible, qui favorise aussi bien l’achat d’isolation thermique que l’emploi d’une employée de maison ou la constitution de sa retraite. Le contribuable a du mal à s’y retrouver sans l’aide d’un avocat ou d’un notaire. Nos amis socialistes, tous critiques vis-à-vis de cette situation, ont oublié son origine historique et leurs positions d’aujourd’hui ressemblent fort à un revirement de leur doctrine du passée. On ne peut que se réjouir de ce retour au bon sens qui frappe l’ensemble de l’échiquier politique.
Néanmoins, avant d’instaurer un régime fiscal, sans niche fiscale, il faut également se rappeler que les gouvernements ont maintenu ou créé certaines niches, par manque de courage politique : on a eu peur de diminuer les taux marginaux de certains impôts (tel l’impôt sur les revenus ou sur les droits de succession) et on a mis en place des « soupapes » de liberté et de sécurité en créant des moyens légaux d’éviter un prélèvement fiscal trop important psychologiquement.
Ces visions politiques contradictoires ont conduit à une politique fiscale complexe, bourrée d’exceptions, de régimes de faveur. Les niches fiscales ne sont que le reflet d’un système fiscal ne reposant pas sur un corpus philosophique cohérent. Il est temps de revenir à des règles de bon sens. Plutôt que de faire sortir les chiens qui dorment dans chaque niche fiscale, pour reprendre une expression devenue célèbre, pourquoi ne pas abaisser le taux marginal de l’impôt sur le revenu qui va atteindre 45 % pour les plus fortunés à un taux de 20 %. De ce fait, les niches perdraient, automatiquement, pratiquement tous leurs avantages. Pour compenser la perte de recette, il suffit d’augmenter la CSG et de porter le taux à 20 % et de prévoir qu’il s’agit non d’une contribution sociale mais d’un impôt, dont X % sont affectés au financement de la sécurité sociale. Ainsi, les non résidents titulaires d’un revenu en France, cesseraient d’être exempts du paiement de cette contribution. En agissant ainsi, on accélèrerait les rentrées fiscales car la CSG est prélevée à la source et on règle le problème des niches fiscales.

Solution trop simple pour être simplement débattue ? La nécessité nous obligera, peut-être, à envisager cette éventualité.

Source : Article paru dans « Le Monde » le 23/01/2012

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