Sur le seul plan patrimonial, ces « carottes fiscales » se comptent par dizaines. Il suffit de penser aux secteurs de l’investissement immobilier (avec les dispositifs Malraux, Pinel, Denormandie, etc., ou, en outre-mer, le Girardin…) ou encore financier (avec les FCPI, FIP, Sofica…). L’énumération de ces niches s’apparente clairement à une liste à la Prévert. Elle illustre le goût, ancien, de nos politiques pour une forme de marketing législatif de nature à leur offrir une notoriété propre à favoriser leur réélection.

Ces dépenses fiscales partagent surtout une autre caractéristique : elles visent toutes à conduire les épargnants vers des investissements qu’ils n’effectueraient pas naturellement (à l’exemple des énergies renouvelables à Wallis-et-Futuna !).

Leur seule logique est de servir d’adjuvant à l’action publique. Une fois épuisées ses capacités de dépenses, l’État cherche à orienter le comportement des contribuables pour les conduire à investir en ses lieu et place (en outre-mer, dans le non-coté ou dans certains secteurs immobiliers) et selon ses propres fins. Les avantages fiscaux octroyés s’apparentent alors simplement aux chants des sirènes. En aucun cas ils ne visent à valoriser les investissements privés considérés mais cherchent exclusivement à démultiplier l’action publique tout en minorant son coût.

L’épargnant doit donc posséder la sagesse d’un Ulysse pour ne pas subir l’attraction irrésistible d’une déduction ou d’une exonération d’impôt et s’interroger lucidement sur la pertinence financière réelle de l’investissement projeté (sans omettre de vérifier sa parfaite adéquation juridique et fiscale avec une législation complexe et le montant des frais pratiqués).

Effets d’aubaine. Il ne devra envisager l’opération que si elle répond pleinement à ses besoins – en termes d’horizon de placement, de diversification d’actifs, de choix d’investissement… – et à sa morphologie patrimoniale et ce, en l’absence même de tout prétendu avantage fiscal.

En effet, les services de Bercy font preuve de la plus grande attention et d’une réelle expertise pour ne pas accroître le coût de la dépense publique par une minoration excessive des rentrées fiscales. Surtout, l’action de cette administration s’inscrit dans le temps long. Ainsi a-t-elle tout loisir de corriger toute éventuelle erreur initiale d’appréciation, voire d’activer la voie contentieuse. À titre d’exemple, le rapport d’évaluation des dispositifs fiscaux en faveur du capital investissement dans les PME (Inspection des finances, 2013) s’interrogeait sur « de très nombreux effets d’aubaine […] des montages ne justifiant pas l’allocation d’argent public » au niveau, entre autres, des holdings. Le charme patrimonial desdits holdings était dès lors clairement appelé à fondre !

De tels effets d’aubaine – à l’image de quelques opérations Malraux – sont le plus souvent liés à une mauvaise appréciation initiale du législateur, sujet aux lobbys. Ils seront surtout, le plus souvent, très temporaires. Les niches fiscales ne doivent donc en aucun cas constituer, pour un contribuable, le motif déclencheur d’un investissement mais seulement un éventuel et toujours éphémère booster d’une rentabilité acquise par ailleurs.