TVA

Augmenter la TVA pour baisser cotisations sociales et CSG serait efficace et équitable

Publié le 17/02/2022

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Par Philippe Bruneau, Jean-Yves Mercier et Jérôme Turot, membres du Cercle des fiscalistes.
Publié le 15/02/2022 dans FigaroVox (réservé aux abonnés).

Philippe Bruneau, Jean-Yves Mercier, Jérôme Turot, respectivement président et membres du Cercle des fiscalistes, plaident pour une augmentation du taux de TVA de 20% (mais pas ceux de 5,5% et de 10%) qui permettrait de taxer les produits étrangers importés et de financer une baisse corrélative des prélèvements qui s’opèrent sur les revenus.

 

Dans une économie fermée où les biens et services seraient entièrement produits sur le territoire national, la décision d’asseoir les prélèvements obligatoires plutôt sur les revenus que sur la consommation ou l’inverse relèverait purement du choix politique : doit-on ménager le consommateur ou l’épargnant-investisseur ?

Mais nous vivons dans une économie ouverte. Une part significative de notre consommation provient de biens ou services venus de l’étranger. La taxation des profits des fournisseurs étrangers échappe à la France. L’unique façon de faire contribuer ces opérateurs est de taxer le chiffre d’affaires qu’ils réalisent en France: c’est le rôle de la TVA et, accessoirement, des droits de douane.

En outre, on constate aujourd’hui que les revenus des particuliers fournissent l’essentiel des ressources nécessaires pour financer les dépenses de l’État et la protection sociale: le total formé par l’impôt sur le revenu, les cotisations de Sécurité sociale, la CSG et les prélèvements sociaux représente approximativement les trois quarts des sommes alimentant les caisses publiques. En regard, la TVA pèse relativement peu.

Tout en respectant l’objectif de ne pas dégrader le pouvoir d’achat de nos concitoyens, il est donc parfaitement envisageable d’alléger les ponctions qui s’opèrent sur les revenus (cotisations sociales et CSG) et d’accroître corrélativement le rendement de la TVA. Cet allégement devrait porter sur les charges sociales assumées par les employeurs et, si possible également, sur les prélèvements assis sur le revenu des particuliers.

Reste la question cruciale du ressenti des consommateurs. On a cherché à donner à la TVA l’image d’un impôt antisocial au motif qu’elle pèse davantage, en proportion de leurs revenus, sur les foyers les plus modestes que sur les plus aisés. Ce jugement est plus politique que réaliste.

Pareille décision servirait l’intérêt national car elle présente économiquement les mérites suivants. Elle augmenterait la contribution des fournisseurs étrangers (le montant de la TVA versée en France sur les biens et services écoulés par eux sur le marché français s’accroîtrait), et elle renforcerait la compétitivité de nos productions nationales à l’exportation grâce à l’action combinée de l’allégement des charges sociales et de la règle suivant laquelle la production exportée ne supporte pas la TVA.

À l’égard des assujettis, la TVA est un impôt juste, beaucoup plus que l’impôt sur les sociétés, puisqu’il oblige toutes les entreprises à payer de l’impôt, sans échappatoire possible. Le bénéfice d’une entreprise, lui, peut faire l’objet de diverses optimisations pour être moins imposé, et il est facilement délocalisable pour les multinationales. Certaines entreprises peuvent ainsi minorer leur bénéfice, alors que personne ne peut escamoter son chiffre d’affaires. La TVA déjoue bien des techniques d’évitement de l’impôt.

Reste la question cruciale du ressenti des consommateurs. On a cherché à donner à la TVA l’image d’un impôt antisocial au motif qu’elle pèse davantage, en proportion de leurs revenus, sur les foyers les plus modestes que sur les plus aisés. Ce jugement est plus politique que réaliste.

D’abord, parce que la TVA ne frappe qu’à un taux faible, 5,5 %, les produits de première nécessité, à commencer par les produits alimentaires, et il n’est pas question d’élever ce taux, pas plus que l’autre taux réduit, de 10 %, qui s’applique notamment aux transports, à la restauration, aux abonnements aux services numériques. C’est le taux normal de 20 % qui est en cause.

Plutôt que de se focaliser sur la question de savoir si ce taux appliqué de longue date est juste ou excessif – question sur laquelle la gauche campe, comme en témoigne le rejet de la «TVA sociale» à l’aube du quinquennat du président Hollande -, il faut apprécier quel effet l’élévation de ce taux produirait sur les prix des biens et services concernés. Dans la configuration envisagée où le poids des charges patronales baisserait, les entreprises françaises dégageraient de nouvelles marges bénéficiaires leur permettant d’ajuster leurs prix à la baisse, en sorte que les prix de vente taxe comprise sur le marché français restent fixés à leur niveau antérieur ou à un niveau proche. Parallèlement, les prix à l’export baisseraient, ce qui leur permettrait de gagner des parts de marché et de rapatrier des emplois.

La TVA est un impôt sur la consommation, certes, mais pas nécessairement sur les consommateurs.

Un autre facteur contribuerait à l’obtention de ce statu quo. On considère parfois que la TVA est un impôt sur les ménages, pesant sur le pouvoir d’achat, et non sur les entreprises. L’expérience dément cette idée. La TVA est un impôt sur la consommation, certes, mais pas nécessairement sur les consommateurs. L’histoire de la TVA sur la restauration nous a enseigné qu’une baisse de TVA ne fait pas baisser les prix, et qu’une hausse de la TVA les fait peu augmenter. En 2009, François Fillon baisse le taux de la TVA dans la restauration de 19,6 % à 5,5 % ; en contrepartie, le client a eu droit à une baisse du prix de son assiette de… 1,9 %. Lorsque le taux remonte de 5,5 % à 7 %, puis surtout en 2014 à 10 %, on ne constate pas d’effet notoire sur les menus.

En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a fait passer le taux de TVA de 16 à 19 % en 2007, et cette hausse a été assez largement absorbée par les entreprises, auxquelles pourtant n’était consenti qu’un allégement beaucoup moins substantiel de leurs charges sociales. L’exemplarité du modèle économique allemand doit beaucoup à cette décision. La France, doit-elle se priver de la même arme ?

De combien faut-il augmenter le taux normal de TVA ? On peut frapper un grand coup, car la France pratique un taux de TVA qui est un des plus bas en Europe : 16 États appliquent un taux plus élevé. Relever le taux normal de la TVA de quelques points créerait un choc économique de première importance, tant par la facilitation des investissements publics, que par le coup d’arrêt porté aux délocalisations et l’incitation forte donnée aux relocalisations de nos industries et de nos emplois – sans oublier la préservation de nos savoir-faire.

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