Étude par Pascal Lavielle responsable Ingénierie Patrimoniale, Assurance de personnes, Fiscalité et Retraite : BNP Paribas Assurance Cardif, publié dans « La Semaine Juridique Notariale et Immobilière », n° 39-40, le 29 septembre 2023
Le contrat de capitalisation est un produit de placement géré par les sociétés d’assurance. Sa cession est un levier patrimonial important, néanmoins, la fiscalité de cette cession pose certaines questions précisément abordées dans cette étude.
Ndlr :cette étude fait partie d’un dossier consacré aux nouveaux avis du comité juridique de la FNDP : JCP N 2023, n° 39-40, 1174-1178.
1. – Le contrat de capitalisation est un produit de placement géré par les sociétés d’assurance. Il est d’ailleurs très proche sur le plan juridique et fiscal du contrat d’assurance-vie, produit beaucoup plus familier aux Français, mais n’est pas un produit d’assurance bien que relevant du Code des assurances. Le contrat de capitalisation est défini par l’article R. 321-1-24 du Code des assurances comme étant : « Toute opération d’appel à l’épargne en vue de la capitalisation et comportant, en échange de versements uniques ou périodiques, directs ou indirects, des engagements déterminés quant à leur durée et à leur montant. »
2. – Sur le plan fiscal, le contrat de capitalisation est soumis au même régime d’imposition sur le revenu et sur la fortune que le contrat d’assurance-vie. Tous les deux sont régis par les mêmes articles du CGI.
Sa principale différence avec le contrat d’assurance-vie est qu’il ne présente pas d’aléa. Il ne se dénoue pas par décès et n’est pas juridiquement construit sur le mécanisme de la stipulation pour autrui. En conséquence, il ne comporte pas de clause bénéficiaire.
En outre, contrairement au contrat d’assurance-vie, le contrat de capitalisation peut être transmis conformément aux règles de droit commun. Toutefois, pendant longtemps, sa transmission autrement que par donation ou succession enregistrées auprès de l’administration fiscale le faisait basculer dans un régime fiscal confiscatoire : celui de l’anonymat fiscal.
Pour mémoire, le régime fiscal de l’anonymat se présentait de la manière suivante : les produits étaient imposés au taux de 60 % auquel il fallait ajouter les prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, ainsi qu’un prélèvement spécial de 2 % perçu sur la valeur nominale des contrats dû autant de fois que la date du 1er janvier était comprise entre l’émission du bon et son remboursement.
3. – Jusqu’au 31 décembre 2017, compte tenu de cet anonymat fiscal, pour les contrats de capitalisation souscrits en France, les gains de cession n’étaient pas imposés.
En revanche, les gains de cession des contrats souscrits auprès d’entreprises étrangères faisaient l’objet d’une taxation au moment de la cession.
La loi de finances pour 2018 a supprimé le régime fiscal de l’anonymat pour les contrats de capitalisation, quelle que soit la date de souscription du contrat. L’entrée en vigueur de cette mesure a été fixée au 1er janvier 2018 et s’applique aux contrats souscrits avant et après cette date. Le législateur a justifié cette suppression en précisant que « l’identité des souscripteurs de contrat de capitalisation est connue des établissements financiers au regard des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes, qui les obligent à obtenir l’identité des bénéficiaires de ces bons, titres et valeurs tout au long de la relation d’affaires. Il n’est donc pas cohérent de conserver un “anonymat fiscal”. Cette mesure découle directement de l’engagement international de la France en faveur de la transparence fiscale, notamment concernant la connaissance des bénéficiaires effectifs des revenus. Elle participe en outre de la mise en œuvre de la norme mondiale d’échange automatique d’informations sur les comptes financiers à compter de 2017 ».
Par ailleurs, en supprimant le régime fiscal de l’anonymat pour les contrats de capitalisation quelle que soit la date de souscription du contrat, la loi de finances pour 2018 a libéré la possibilité de transmettre les contrats de capitalisation non plus seulement par une transmission « à titre gratuit encadrée », mais également par une nouvelle possibilité de transmission à titre onéreux.
4. – En permettant de céder à titre onéreux un contrat de capitalisation, la loi de finances a dû organiser un régime fiscal pour cette cession. À cette fin, la loi de finances pour 2018 s’est inspirée du traitement des gains de cession des contrats souscrits auprès d’entreprises étrangères. Elle a distingué le régime fiscal applicable au cédant (1) de celui applicable au cessionnaire (2).
5. – Pour le cédant, à compter du 1er janvier 2018, selon l’article 124 B du CGI, les cessions de contrats de capitalisation, effectuées par des personnes physiques, directement ou par personnes interposées, constituent un fait générateur d’imposition pour celui-ci. Ce point est rappelé par le BOFIP du 20 décembre 2019 (Note 1), qui précise que les cessions à titre onéreux des contrats de capitalisation constituent un fait générateur d’imposition à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux du gain net réalisé lors de l’opération. On rattachera aux cessions à titre onéreux l’apport d’un contrat de capitalisation à une société, que celle-ci relève de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés.
6. – Selon l’article 124 B du CGI, le régime d’imposition des gains de cession des contrats de capitalisation suit celui des produits de ces contrats. En d’autres termes, ces gains sont imposables dans les conditions de l’article 125-0 A du CGI.
Ainsi, pour l’imposition de ces gains, il convient de distinguer la date de versement des primes auxquelles ces gains se rattachent. Les gains attachés aux primes versées jusqu’au 26 septembre 2017 sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu ou sur option, au prélèvement forfaitaire libératoire. En revanche,
ceux attachés aux primes versées à compter du 27 septembre 2017 sont soumis au prélèvement forfaitaire unique ou sur option (globale, expresse et irrévocable), au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
7. – Pour la détermination du gain net imposable, l’article 124 C du CGI précise qu’il n’est pas fait application de l’abattement de 4 600 € ou 9 200 € pour les contrats d’au moins 8 ans.
L’assiette imposable est donc calculée quant à elle de la manière suivante : conformément à l’article 124 C du CGI, le gain net imposable est constitué par la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition.
Pour la détermination du prix d’acquisition, l’article 124 C du CGI dispose qu’il doit être tenu compte des primes versées par le cédant sur le contrat cédé et qui n’ont pas fait l’objet d’un remboursement en capital à la date de la cession. En d’autres termes, en l’absence de rachat par le cédant, le prix d’acquisition est déterminé en tenant compte de l’ensemble des primes versées au contrat. En cas de rachats partiels effectués par le cédant, ce prix est déterminé en tenant uniquement compte de la fraction des primes qui n’ont pas été rachetées.
8. – Par ailleurs, dans le cas où la cession n’aurait pas généré de plus-value mais une moins-value, l’article 124 C du CGI prévoit une possibilité d’imputation des pertes subies lors de la cession du contrat de capitalisation.
Le BOFIP du 20 décembre 2019 précise que la moins-value constatée lors de la cession d’un contrat de capitalisation ne peut être imputée que sur des produits de cession de contrats de capitalisation réalisés au cours de la même année et, le cas échéant, des 5 années suivantes imposables suivant cette même modalité.
9. – Une difficulté particulière peut naître. En effet, dans la mesure où l’article 124 B du CGI précise que « le régime d’imposition des gains retirés […] de cessions […] des titres de créances négociables sur un marché réglementé […] et non susceptibles d’être cotés » suit celui des produits du contrat de capitalisation, comment doit-on procéder en cas d’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire ? En d’autres termes, le prélèvement libératoire devra-t-il être versé directement par le cédant à l’administration fiscale ou bien reviendra-t-il à l’assureur de procéder à ce prélèvement sur le contrat, bien qu’il n’y ait aucun rachat ? Question d’autant plus complexe que le traitement fiscal du contrat de capitalisation varie selon que les produits se rattachent à des primes versées avant ou à compter du 27 septembre 2017.
Plusieurs arguments doivent conduire à considérer qu’il serait préférable de limiter l’assimilation à un rachat et de prévoir que le prélèvement, qu’il soit libératoire ou non libératoire, de l’impôt sur le revenu, soit effectué sur le prix de cession et non par l’assureur en diminution de la valeur de rachat du contrat. En effet, l’assureur n’est pas forcément au courant de la transaction et, concrètement, il n’existe pas de flux sortant (rachat) du contrat de capitalisation.
10. – En outre, on rappellera que pour les produits liés aux primes versées avant le 27 septembre 2017, l’option pour le prélèvement libératoire doit être exercée au plus tard lors de l’encaissement des revenus (CGI, art. 125 OA). Dans le cas où l’option devrait être exercée auprès de l’assureur, le cédant devrait, préalablement à l’encaissement du prix de cession, informer l’assureur de cette cession ; à défaut, le gain de cession serait soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Se pose alors le problème de la vérification de cette antériorité de l’option sur l’encaissement du prix de cession. L’application par l’assureur rendrait concrètement très difficile l’application de cette option.
11. – Par ailleurs, on peut observer que mettre le prélèvement à la charge de l’assureur pose un problème dans la mesure où si le prélèvement forfaitaire vient diminuer la valeur de rachat du contrat, cela revient indirectement à faire supporter l’imposition du gain de cession au cessionnaire.
Au surplus, si celui-ci n’a pas connaissance de cette particularité, il peut y avoir pour lui une certaine surprise sur la valeur de rachat finale du contrat. Point qui devrait être vu précisément lors de la cession.
Pour l’ensemble de ces raisons, faire porter le poids de ce prélèvement sur l’assureur est générateur de multiples problèmes et contraintes. La solution la plus pragmatique, la plus simple et la plus sécuritaire serait de faire peser ce prélèvement sur le cédant en dehors du contrat.
12. – Proposition du comité juridique. – Une rédaction de l’article 124 B du CGI prévoyant que l’imposition serait supportée par le cédant qui s’acquitterait de l’imposition en dehors de tout prélèvement. Ceci apporterait une simplification et résoudrait ainsi les écueils signalés ci-dessus.
13. – La loi de finances pour 2018 s’est également intéressée au traitement fiscal applicable au cessionnaire.
La cession va ainsi avoir des conséquences sur l’assiette des produits contenus dans les rachats qui seront postérieurement effectués par le cessionnaire.
Pour cela, l’article 125 OA du CGI a été réécrit afin d’aménager le traitement fiscal applicable au rachat par le cessionnaire postérieurement à cette cession.
14. – L’assiette imposable est déterminée par la différence entre le montant des sommes remboursées, c’est-à-dire la valeur de rachat du contrat, et le montant des primes versées, le cas échéant, depuis l’acquisition de ce contrat, augmenté, dans ce cas, du prix d’acquisition du contrat.
La modification de l’article 125 OA du CGI entraînant une nouvelle définition de l’assiette de taxation conduit à reconsidérer l’assiette des produits en cas de transmission à titre gratuit des contrats de capitalisation.
Il convenait ainsi de déterminer ce qu’il fallait entendre par « prix d’acquisition du contrat ».
Cette notion s’entendait-elle exclusivement du prix d’acquisition à titre onéreux ? Ou s’entendait-elle aussi de la mutation à titre gratuit ? Dans cette seconde hypothèse, cette mutation purgeait les produits antérieurs à l’acquisition. Auquel cas, seuls les produits postérieurs à la cession à titre gratuit seraient imposables.
15. – Le BOFIP précité du 20 décembre 2019 vient apporter une réponse positive à cette interrogation en précisant « qu’en cas d’acquisition à titre gratuit du bon ou contrat, le prix d’acquisition s’entend de la valeur vénale retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit ».
En conséquence, lors des rachats postérieurs à une transmission par donation ou succession, seuls les produits générés depuis la transmission sont soumis à l’impôt sur le revenu.
16. – Eu égard à la complexité du régime fiscal applicable en cas de démembrement de propriété, il serait utile que l’administration fiscale donne des précisions,
en particulier sur les modalités de détermination de l’assiette des produits lors des rachats postérieurs à la donation de la nue-propriété.
En effet, il convient de s’interroger sur ce que l’on doit entendre par « en cas d’acquisition à titre gratuit du bon ou contrat, le prix d’acquisition s’entend de la
valeur vénale retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit » (Note 2).
17. – Pour mémoire, ce problème s’était posé avant la parution de l’instruction fiscale de 2001 (Note 3) sur les plus-values réalisées lors de la cession des valeurs
mobilières, l’instruction précédente ayant été très succincte sur la détermination de la plus-value face au démembrement de propriété.
Face à cette difficulté, l’administration fiscale avait, dans l’instruction fiscale de 2001, développé les différents cas pouvant se présenter pour l’application de l’imposition aux plus-values de titres démembrés.
Il conviendrait toutefois que l’administration fiscale apporte une précision supplémentaire quant au traitement fiscal des contrats de capitalisation qui sont démembrés après une mutation à titre gratuit.
18. – L’administration fiscale n’a, à ce jour, donné des développements sur le traitement fiscal du démembrement de propriété qu’en matière de plus-values de cession de valeurs mobilières (Note 4) ainsi qu’en matière de plus-values immobilières (Note 5).
Toutefois, il convient de relever que le contrat de capitalisation relève d’un mécanisme juridique spécifique qui le différencie des cas traités dans les BOFIP précités dans la mesure où le souscripteur détient sur la compagnie d’assurances un droit de créance et non un droit réel. Ce droit de créance lui permet, lors du rachat partiel ou total, d’appréhender la valeur de rachat du contrat de capitalisation.
19. – Notons qu’en cas de démembrement, les droits du souscripteur-usufruitier vont être déterminés par une convention qui va préciser l’étendue de l’exercice de ses droits. Généralement, cette convention prévoit que l’usufruitier a droit à l’ensemble des produits générés par le contrat de capitalisation depuis la souscription ou depuis la transmission de la nue-propriété du contrat en cas de transmission de celle-ci. Cette convention définit ainsi les droits de l’usufruitier à percevoir des produits.
En cas de transmission du contrat en démembrement de propriété, pour le traitement fiscal des rachats réalisés par l’usufruitier, la valeur d’acquisition pourrait être constituée, conformément à la réalité juridique prévue par la convention, de la valeur de rachat du contrat au jour de la transmission de la nue-propriété (ou si une assiette différente était retenue par la convention, de la valeur prévue par celle-ci).
Une solution dégradée pourrait être, le cas échéant, de retenir le montant des primes qui ont été versées sur le contrat majoré de l’accroissement de la nue- propriété au moment de la transmission.
20. – Par ailleurs, une fois le nu-propriétaire devenu plein propriétaire après le décès de l’usufruitier, celui-ci devient bénéficiaire des produits du contrat de capitalisation.
Afin de conserver l’esprit de la loi qui a été de permettre un allégement de la fiscalité en n’imposant plus les produits antérieurs à la transmission à titre gratuit, il conviendrait, pour le traitement fiscal des rachats postérieurs au décès de l’usufruitier, de retenir pour le calcul de l’assiette imposable des produits, comme prix d’acquisition :
• soit la valeur vénale du contrat de capitalisation au jour de la transmission de la nue-propriété, majorée de l’accroissement de valeur de l’usufruit, c’est-à-dire la valeur de la pleine propriété du contrat de capitalisation à la date de la donation majorée de l’accroissement de l’usufruit entre la date de la donation et celle du décès de l’usufruitier ;
• soit, par simplification, de retenir pour le calcul de l’assiette imposable des produits, comme valeur d’acquisition, la valeur vénale du contrat de capitalisation au jour de la transmission de la nue-propriété, c’est-à-dire la valeur de la pleine propriété à cette date, ce qui correspond à la valeur de rachat du contrat à cette date.
En d’autres termes, retenir la valeur de rachat du contrat, c’est-à-dire une valeur en pleine propriété à la date de la transmission de la nue-propriété, majorée ou non de l’accroissement de l’usufruit jusqu’au décès de l’usufruitier, permettrait d’éviter d’assimiler des primes à des produits et ainsi de conserver l’esprit de la loi, qui a été de permettre un allégement de la fiscalité en n’imposant plus les produits antérieurs à la transmission à titre gratuit.
21. – Proposition du comité juridique. – En conclusion, afin de conserver l’esprit du texte et dans un souci de simplification, on pourrait retenir comme assiette du rachat d’un contrat de capitalisation à la suite d’une transmission à titre gratuit une seule règle, que ce soit en cas de rachat durant la vie de l’usufruitier ou une fois le nu-propriétaire devenu plein propriétaire. Cette règle consisterait à définir le prix d’acquisition comme étant la valeur de rachat du contrat au jour de la transmission de la nue-propriété.
Mots clés : Fiscalité. – Cession. – Contrat de capitalisation. – Cession à titre onéreux.
Mots clés : Fiscalité. – Cession. – Prélèvement. – Démembrement.
Note 1 BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50, 20 déc. 2019.
Note 2 BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50, 20 déc. 2019.
Note 3 Instr. 13 juin 2001 : BOI 5 C-1-01, 3 juill. 2001.
Note 4 BOFIP du 20 décembre 2019 (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60, 20 déc. 2019).
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