Bercy, pressé par le gouvernement d’annoncer des chiffres avantageux en matière de lutte contre la fraude fiscale, multiplie les redressements en sachant pertinemment qu’une partie d’entre eux, injustifiés, seront annulés par les tribunaux bien des années plus tard, déplorent le président du Cercle des fiscalistes, Philippe Bruneau, le notaire honoraire, Bernard Monassier, et l’avocat fiscaliste, Jérôme Turot (membres du Cercle des fiscalistes).
Qu’il nous soit permis de raconter une histoire. Le 12 juin 1990 aurait dû être un tournant heureux dans la vie M. et Mme S. et le début d’une retraite méritée: ils viennent de signer chez leur notaire un acte de donation, par lequel ils transmettent leur entreprise à leur fils en gardant partiellement l’usufruit pour continuer à bénéficier d’une partie des dividendes. Six mois plus tard, la femme de leur fils demande subitement le divorce. Tombé en dépression, leur fils est obligé de vendre l’entreprise. Courant 1991, M. et Mme S. et leur fils reçoivent une notification de redressement fiscal au motif que l’opération de donation aurait constitué un abus de droit, ce qui entraîne un complément de droits à payer, assorti des intérêts moratoires et des pénalités de 80%. Incapables de payer ce redressement sans vendre leur maison, et ne comprenant pas cette accusation d’abus de droit, ils décident de le contester.
Par deux décisions très attendues, la Cour de cassation se prononce sur le cumul des répressions fiscale et pénale après que la CJUE a jugé en 2022 la jurisprudence constitutionnelle incompatible avec la Charte des droits fondamentaux. Une réforme législative d’ampleur s’impose pour donner corps aux exigences issues de ces décisions.
Le Fisc pourrait à terme scruter les publications sur les réseaux sociaux. Philippe Bruneau et Jean-Yves Mercier (le président et le vice-président du Cercle des fiscalistes) alertent sur cet espionnage par le fisc des comptes des usagers des réseaux sociaux dans la lutte contre la fraude fiscale dans leur article publié dans Le Figaro le 07/11/2022.
Un contribuable peut subir une double procédure fiscale et pénale et une double sanction, et n’est protégé contre ce cumul que par quelques faibles garanties. La CJUE vient de juger que le système français ne respecte pas le principe non bis in idem inscrit à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’UE, en vertu duquel nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été sanctionné.