La donation de l’agonisant

Publié le 17/02/2011

Qui trop le sein donne avant mourir s’apparaître à moule souffrir
Cet avertissement de LOYSEL, juriste de l’Ancien Régime, est si bien reçu par certains qu’ils ne se préoccupent de transmettre leurs biens que lorsqu’ils sont à l’agonie.
Le Fisc n’apprécie guère les donations sur le lit de mort, qu’il s’agisse de transmettre de la pleine propriété, ou pire, la seule nue-propriété.
S’agissant des premières, dans une affaire où l’administration fiscale s’était émue de constater la donation effectuée par un contribuable à ses héritiers potentiels, quelques jours avant sa mort, y voyant non moins qu’un abus de droit ( !) assorti de la pénalité de 80 %, le Comité de l’Abus de Droit Fiscal suggéra la décharge des contribuables.
L’abus ne pouvait être caractérisé par le seul fait d’avoir donné, puisque la loi elle-même invite les contribuables à se dépouiller de leur vivant en taxant moins les donations que les successions.
S’agissant à présent des donations en nue-propriété consenties moins de trois mois avant la mort du donateur, une présomption légale de fictivité existe, sous l’article 751 du CGI, qui conduit à réintégrer la pleine propriété des biens concernés dans la succession de ce dernier.
Tout se passe donc comme si la donation n’avait pas eu lieu.

On conçoit qu’un agonisant ne puisse donner en nue-propriété tant est illusoire et éphémère la réserve de son usufruit, qui autorise pourtant, en principe, une réduction de la base imposable d’autant plus importante que le réservataire est jeune (à titre d’exemple, 40 % s’il est âgé entre 61 et 71 ans révolus).

Mais tous les donateurs qui décèdent dans les trois mois ne sont pas nécessairement tous agonisants. Il en est qui décède … bien portants !
Or, la présomption fiscale de l’article 751 du CGI ne fait aucune distinction entre les deux cas de figure. Cette présomption devrait pourtant pouvoir supporter la preuve contraire du caractère totalement imprévisible du décès du donateur.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 23 mars 2010, tranche avec une particulière sévérité la question, en conférant à cette présomption un caractère irréfragable alors que l’intention de donner de la donatrice avait été constatée plus de trois mois avant son décès.
Une distinction apparait pourtant nécessaire entre le comportement de celui qui sent son heure venue et qui réserve un usufruit qu’il sait voué à une extinction rapide et celui qui donne, en bonne santé, sans qu’aucun signe avant-coureur ne l’ait averti de sa fin prochaine.
Le premier triche. Le second subit un événement qu’il n’avait, par définition, pas prémédité !

Article rédigé par Rémy Gentilhomme, membre du Cercle des fiscalistes.

Source : Article paru dans « Les Echos » le 17 février 2011

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