Article paru le 19/04/2016
Bercy ne doit pas se tromper dans ses comptes. Le ministère du Budget compte récupérer
2,7 milliards cette année grâce à la cellule de régularisation des avoirs non déclarés détenus à l’étranger. Le secrétaire d’Etat Christian Eckert, table sur 2,65 milliards de recettes fiscales en 2016, contre 1,9 milliard ainsi générés en 2014, année de la mise en œuvre du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) – plus connu alors comme la « cellule de dégrisement ». Cela me paraît très optimiste.
A l’évidence, le scandale des « Panama Papers »sur les avoirs dissimulés sur des comptes offshore aura des répercussions en termes de rentrées fiscales pour l’Etat français, comme pour de nombreuses autres nations. Encore faut-il mesurer correctement les recettes ainsi générées.
Selon l’administration fiscale, près de 45 000 « repentis fiscaux » auraient déposé un dossier de régularisation de leurs avoirs en deux ans, soit 26 milliards d’avoirs sortis de l’ombre. Pour faire face à cet afflux de déclarations, les effectifs de la STDR ont été portés de 25 à 40, puis 50 et enfin 170 personnes. Les dossiers le plus simples seraient désormais traités de manière décentralisée dans différents centres en province.
Quelle est la réalité ? Les contribuables « repentis » déclareraient détenir en moyenne 600 000 à 800 000 euros à l’étranger. Le service de traitement n’a traité jusqu’ici que 12 000 dossiers. Il applique un taux de pénalité moyen de 30%, tenant compte du caractère actif ou passif de la détention de ces actifs. Une simple multiplication suffit à montrer que le montant de recettes escompté n’y est pas ! Le montant budgété par Bercy repose sur une estimation.
Comment annoncer que ces procédures de déclaration rectificative vont rapporter
2,7 milliards, cette année alors que les dossiers ne sont même pas ouverts ? En pratique, une fois enregistré auprès des services concernés, un dossier de rapatriement prend des mois et des mois à être complété. Le temps que les établissements bancaires fournissent les documents probants et que le conseil du contribuable réunisse les éléments précis sur l’origine des fonds. Près de 33 000 déclarations d’avoirs détenus illégalement à l’étranger auraient été déposées. Leur traitement prendra sans doute de trois à cinq ans… C’est le temps qu’il faudra pour connaître les sommes effectivement régularisées.
D’autre part, il est inexact d’indiquer que quelque 4,5 milliards ont été rapatriés ces deux dernières années dans l’économie française, car il n’est pas obligatoire de rapatrier les actifs. Et la plupart des fonds restent à l’étranger.
Une solution efficace pour obtenir le rapatriement des actifs devrait s’inspirer de l’amnistie fiscale décidée par de Gaulle en 1958. Le principe était très simple : moyennant un impôt forfaitaire modeste – de l’ordre de 5 % à l’époque -, les avoirs étaient régularisés, à condition d’être investis dans l’emprunt Piney, lui-même exonéré d’impôt sur le revenu et de droits de succession. Cela fut un succès considérable. En quelques mois, la France avait remboursé toute sa dette au Fonds monétaire international. FMI qui, à l’époque, acquittait la paie des fonctionnaires français. Comme la Grèce aujourd’hui… Il y a urgence à intervenir, car la dette publique ne cesse de s’alourdir et la machine économique française et européenne peine à repartir.
Le choix du placement qui accueillera des actifs financiers faisant l’objet d’un démembrement est essentiel et la fiscalité n’est pas le seul critère à considérer.
« Pour les parents, laisser un héritage à ses enfants consiste à arbitrer entre consommation personnelle et transmission familiale », estiment Jérôme Bernecoli et Frédéric Poilpré. Dans une chronique du Point publiée le 20 mai, Julien Damon propose de taxer les héritiers plutôt que l’héritage au soutien de la thèse selon laquelle il est économiquement plus avantageux d’hériter que de travailler, oubliant que les Français sont majoritairement contre l’impôt sur la mort.
Aux termes de notre législation fiscale, chaque parent peut donner – en sommes d’argent, biens (meubles, voiture, bijoux, etc.), immeubles, ou valeurs mobilières (actions, parts sociales, etc.) – jusqu’à 100.000 euros par enfant sans qu’il y ait de droits de donation à régler. Ainsi, un couple peut-il transmettre à chacun de ses enfants 200.000 euros exonérés de droits tous les quinze ans.
Le Monde organise une toute nouvelle édition des Rencontres de l’Épargne le 12 Décembre prochain
Philippe Bruneau, Président du Cercle des Fiscalistes, interviendra lors de cette conférence tenue à Nice qui sera également disponible en Live.