Un nouveau régime fiscal pour les rachats effectués sur un contrat de capitalisation

Publié le 5/03/2020

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Article paru le 5 Mars 2020 dans « Le Monde ».

A la différence du contrat d’assurance-vie, le contrat de capitalisation peut se transmettre. FSR / GraphicObsession.

Le contrat de capitalisation est un véhicule patrimonial atypique qui est assez peu connu du grand public. Il s’agit d’un produit d’épargne souscrit auprès des sociétés d’assurance et qui ressemble beaucoup à son cousin, le contrat d’assurance-vie, si ce n’est qu’il ne se dénoue pas lors du décès et ne possède donc pas de clause bénéficiaire en cas de décès.

Une autre différence avec le contrat d’assurance-vie est que le contrat de capitalisation peut se transmettre : cette transmission donne lieu à l’application notamment de droits de donation ou de succession calculés sur la valeur totale du contrat lorsqu’il s’agit d’une transmission à titre gratuit.

Le sujet, ici, n’est pas celui des droits fiscaux (notamment droits de donation ou de succession) applicables lors de cette transmission, mais celui du traitement fiscal des rachats (lorsque le détenteur du contrat de capitalisation récupère une partie des sommes laissées sur le contrat) postérieurs à cette transmission du contrat de capitalisation.

Régime fiscal confiscatoire
Pour rappel, la transmission du contrat de capitalisation a été longtemps très encadrée. Celle-ci était réservée aux transmissions à titre gratuit : donation ou succession enregistrées auprès de l’administration fiscale sous peine de basculer dans un régime fiscal confiscatoire, celui de l’anonymat fiscal.

Ce régime fiscal de l’anonymat était en effet le suivant : les produits étaient imposés au taux de 60 % auquel il fallait ajouter les prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, ainsi qu’un prélèvement spécial de 2 % perçu sur la valeur nominale des contrats et dû autant de fois que la date du 1er janvier était comprise entre l’émission du contrat et son remboursement.

La loi de finances pour 2018 a supprimé le régime fiscal de l’anonymat. Désormais le dénouement ou le rachat des contrats de capitalisation ne peut plus se faire de manière anonyme au regard de l’administration fiscale.

En supprimant ce régime fiscal de l’anonymat, la loi de finances pour 2018 a libéré la possibilité d’une transmission à titre onéreux des contrats de capitalisation, c’est-à-dire la vente d’un contrat de capitalisation. Il a fallu en conséquence prévoir un régime fiscal pour cette cession à titre onéreux et notamment pour le traitement fiscal des rachats ultérieurs par l’acquéreur suite à cette cession.

Nouveau traitement
A cette occasion, a été modifié l’article 125 OA du CGI, qui est l’article du code général des impôts qui prévoit et organise le traitement fiscal des rachats des contrats d’assurance-vie et des contrats de capitalisation. Ainsi, une nouvelle définition de l’assiette des produits contenus dans les rachats a été donnée, c’est-à-dire de la plus-value, générée depuis cette cession.

L’assiette imposable est maintenant déterminée par la différence entre le montant des sommes remboursées, c’est-à-dire la valeur de rachat du contrat, et :

Soit le montant des primes versées depuis l’origine, lorsqu’il n’y a pas eu de transmission.
Soit le montant des primes versées depuis l’acquisition du contrat, augmenté, dans ce cas, du prix d’acquisition du contrat.
La modification de l’article 125 0A du CGI entraînant une nouvelle définition de l’assiette de taxation conduisait à s’interroger sur son application aux transmissions à titre gratuit, c’est-à-dire aux transmissions par donation ou par succession. Il convenait en effet de déterminer ce qu’il fallait entendre par « prix d’acquisition du contrat ».

En effet, l’interrogation était la suivante : cette notion devait-elle s’entendre exclusivement du prix d’acquisition à titre onéreux, c’est-à-dire la vente ? Ou devait-elle s’entendre aussi de la mutation à titre gratuit, c’est-à-dire la donation ou la succession ?

La question de la plus-value
Dans cette seconde hypothèse, la transmission purgerait les produits antérieurs à l’acquisition et seuls les produits postérieurs à la transmission à titre gratuit seraient imposés. En d’autres termes, seule la plus-value postérieure à la donation ou la succession serait taxée à l’impôt sur le revenu.

Une instruction fiscale du 20 décembre 2019 est venue apporter une réponse à cette interrogation et a conduit à reconsidérer l’assiette des produits, c’est-à-dire le traitement fiscal des rachats en cas de transmission à titre gratuit des contrats de capitalisation.

Il y est en effet précisé qu’en cas d’acquisition à titre gratuit du contrat de capitalisation, le prix d’acquisition s’entend de la valeur vénale retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit. Cette valeur vénale du contrat de capitalisation devrait correspondre à la valeur de rachat du contrat.

En conséquence, contrairement à ce que l’on appliquait jusqu’à présent, en cas de rachat suite à une transmission à titre gratuit (donation, succession), seuls les produits générés depuis cette transmission à titre gratuit seront soumis à taxation à l’impôt sur le revenu.

Fin d’une bizarrerie
Aussi, conviendra-t-il de vérifier l’assiette retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit (donation et succession) dans les documents présentés à l’enregistrement auprès de l’administration fiscale. En effet, celle-ci devra être ajoutée au montant des primes versées depuis l’acquisition, pour l’imposition de la plus-value générée depuis la donation ou la succession.

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Pour le traitement au regard des prélèvements sociaux. Il conviendra de suivre le même régime et considérer que l’assiette des prélèvements sociaux pour les rachats postérieurs à l’acquisition est calée sur celle des prélèvements fiscaux, et ainsi également exonérer de prélèvements sociaux la plus-value générée avant la donation et à la succession.

L’instruction fiscale met ainsi un terme à une bizarrerie fiscale qui prévoyait antérieurement que bien que les produits générés avant la transmission à titre gratuit aient été soumis aux droits de succession et de donation, ils étaient soumis lors des rachats ultérieurs aux prélèvements sociaux et à l’impôt sur le revenu.

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