De dangereuses mesures fiscales

Publié le 7/03/2013

Le vice-président du Cercle des fiscalistes alerte sur une série de modifications qui risquent d’aggraver l’état d’un marché immobilier déjà mal en point.
Au cours des derniers mois, la fiscalité française a connu des modifications significatives, avec des répercussions sur le quotidien de millions de Français. En décourageant l’achat et l’investissement dans la pierre, ces changements sont en train de provoquer, affirme Bernard Monassier  notaire et vice-président du Cercle des fiscalistes, une baisse du nombre des transactions et des constructions neuves. Et vont aggraver la pénurie actuelle de logements. Voici, selon lui, les principaux changements de la fiscalité immobilière.

Un quasi-doublement de l’impôt sur les plus-values

Les plus-values réalisées sur les biens autres que la résidence principale étaient jusqu’à présent exonérées au bout de quinze ans. Mais le gouvernement de Nicolas Sarkozy a fait passer ce délai à trente ans, avec effet au 1er janvier 2013. Cette mesure ne touche pas seulement les 5 à 6 millions de propriétaires de résidences secondaires, elle concerne aussi les 4 à 5 millions de propriétaires bailleurs qui ont investi au cours des années passées dans un logement locatif, neuf ou ancien.
Le doublement du délai correspond pratiquement à un doublement de l’impôt, et a dissuadé nombre de vendeurs. Exemple avec un client qui possédait la moitié d’un ensemble de bureaux valant 1 million d’euros et voulait vendre. Il avait compté, l’an dernier, environ 30 000 euros d’impôt. Quand je lui ai annoncé que depuis janvier, il devrait payer 350000 euros, il a renoncé.
Cette mesure va entraîner une baisse de 30% du nombre des transactions. Cela va avoir pour conséquence une chute de 30% des revenus des collectivités locales issus des droits de mutation, au moment même où l’Etat gèle sa dotation. Et mettre au chômage sans doute plus d’une dizaine de milliers de professionnels (agents immobiliers, notaires, artisans…). Moindres rentrées fiscales et chômage : c’est tout le contraire des objectifs initiaux.

Une explosion des taxes sur les revenus fonciers

Une nouvelle tranche à 45%, une contribution exceptionnelle de 3 à 4% : les nouveaux barèmes font exploser l’imposition des revenus fonciers, qui peut monter à 62,2%. Un record. S’y ajoute, pour certains, l’ISF, qui accroît la pression fiscale.

Un dispositif Duflot moins intéressant que le Scellier

Le Duflot autorise ceux qui achètent du neuf locatif à réduire leur impôt de 18% du montant investi, plafonné à 1 300 000 euros,  sur une période de neuf ans. Soit une économie fiscale maximale de 6 000 euros par an, en contrepartie de loyers (et de revenus du locataire) plafonnés.

Depuis quinze ans des lois se sont succédées presque sans interruption pour créer des logements neufs et élargir le marché locatif. Elles ont toutes coûté très cher à l’Etat, sans résultat. Le Duflot n’échappe pas à la règle : il institue des obligations accrues pour les bailleurs, alors même  que les rendements nets de l’immobilier sont descendus si bas qu’ils ne protègent même plus de l’inflation. Cette loi cède à une mauvaise habitude : réglementer toujours plus. Alors que c’est le contraire qu’il faudrait faire. En 1948, devant une crise d’une ampleur nettement supérieure, le gouvernement de centre gauche d’alors avait pris des mesures très libérales et avait exonéré d’impôt foncier pendant quinze ans, et de droits de succession, toutes les constructions neuves, sans aucun plafond de loyer. Cela avait suscité une vague de construction qui avait fait baisser les loyers et augmenté l’offre, jusqu’à ce que le gouvernement de Giscard d’Estaing constate la fin de la crise et supprime la mesure en 1974.

Un plafonnement des niches de grande ampleur

De nombreux Français qui ont réalisé ces dernières années des investissements défiscalisants, type Scellier, ou utilisé des emplois aidés, vont être frappés cette année par le plafonnement à 10 000 euros de leur réduction d’impôts. Pratiquement, ils n’auront pas intérêt à se lancer dans une opération en loi Duflot, par exemple, s’ils ont investi il y a quelques années dans un appartement en Scellier et s’ils emploient une femme de ménage quelques heures par semaine.

Source: Article paru dans Challenges du 07/03/2013

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