L’apport d’usufruit de titres sociaux à une holding peut il être taxé au titre des plus values?

Publié le 8/01/2014

Avocat associé du cabinet FIDAL, Jean-François DESBUQUOIS s’interroge sur la compatibilité avec la réglementation européenne du nouveau dispositif fiscal visant les cessions d’usufruit temporaire qui selon l’administration pourrait s’appliquer aux apports de titres de sociétés à des holdings.
Le nouvel article 13 5.1 du Code général des Impôts a pour objectif de limiter l’intérêt fiscal des cessions à titre onéreux d’usufruit temporaire. Selon le projet de loi, la stratégie d’optimisation visée consiste pour le propriétaire d’un immeuble à en vendre, souvent sans plus value, l’usufruit pour une durée déterminée au profit d’une société qu’il contrôle. Pendant l’usufruit la société encaisse les loyers avec une  faible pression fiscale compte tenu des amortissements et des intérêts d’emprunt. Puis au terme du schéma, la pleine propriété de l’immeuble est reconstituée au profit du propriétaire initial sans taxation. Le nouveau dispositif consiste à taxer fictivement comme un revenu le prix de vente de l’usufruit, pour limiter l’intérêt fiscal d’un tel schéma.
Toutefois depuis son adoption fin 2012, les redevables sont confrontés à une totale incertitude sur son champ d’application exact. Selon des prises de position récentes, l’administration semble considérer qu’il pourrait viser également les apports purs et simples d’usufruit de titres sociaux au profit d’une société.
Si l’on suit cette analyse, des parents usufruitiers des actions d’une société industrielle, qui voudraient les apporter, conjointement avec leurs enfants nus- propriétaires, à une holding risquent d’être taxés au titre de revenus de capitaux mobiliers sur la valeur de l’usufruit apporté, alors même qu’ils ne recevront que l’usufruit des titres de la holding !
Cette position nous parait basée sur une analyse juridique contestable et en contradiction totale avec les objectifs affichés lors de la présentation de l’article 13 5.1 du CGI. Elle nous semble aussi être incompatible avec les normes supérieures du droit communautaire. Elle priverait en effet de toute portée les dispositifs de sursis ou de report d’imposition prévus en cas d’apports de titres à une société soumise à l’IS (art 150-0 B et 150-0 B ter du CGI) qui ne sont eux-mêmes que la transposition de la directive 90/434/CEE qui interdit aux états membres toute imposition sur les fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions.

Pour éviter un risque de condamnation par la CJCE, le texte de l’article 13 5.1 nous semble devoir  être mis en conformité au plus vite avec le droit communautaire pour exclure de son champ d’application les apports d’usufruit de titres.

Source :  Echos Business le 8 janvier 2014

Article rédigé par Par Jean-François DESBUQUOIS,  membre du Cercle des Fiscalistes
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