Un coup d’épée dans l’eau

Publié le 14/12/2008

Le projet de loi de finances pour 2009 prévoit que les avantages fiscaux procurés par les niches fiscales seront plafonnés à un double titre.

Dans un premier temps, il prévoit le plafonnement spécifique de trois niches emblématiques : l’activité de loueur en meublé professionnel, dont les conditions d’exigibilité seront plus contraignantes ; l’investissement en loi Malraux, dont la déduction du revenu imposable, très favorable aux hauts revenus, sera transformée en réduction d’impôt ; l’investissement DOM-TOM, dont l’avantage sera plafonné à 40 000 euros.

Ensuite, ces plafonnements se combineront avec un plafonnement global des niches selon lequel un contribuable ne pourra cumuler les réductions d’impôts au-delà de 25 000 euros plus 10 % de son revenu imposable. A la lecture de ce projet, quelques commentaires s’imposent.

D’une part, son impact budgétaire reste mineur. Alors que les niches fiscales « coûtent » à l’Etat environ 60 milliards d’euros par an, les gains attendus de cette réforme avoisineront  au mieux 200 millions d’euros. Une paille !

D’autre part, le gouvernement est tiraillé entre deux attitudes difficilement conciliables. Economiquement, il a certes intérêt à orienter l’épargne des ménages les plus aisés vers des secteurs d’activité où elle n’irait pas sans carotte fiscale (DOM-TOM, monuments historiques, cinéma…) pour éviter d’avoir à les financer lui-même. Mais politiquement, il souhaite dissuader ces mêmes contribuables d’y avoir recours massivement pour des raisons de justice fiscale. Or, la réforme proposée remet radicalement en cause l’intérêt des 3 principales niches fiscales. Pour pallier le manque de capitaux qui ne s’investiront plus directement dans les monuments historiques ou les DOM-TOM, les caisses de l’Etat seront certainement mises à contribution. C’est pourquoi, quitte à vouloir plafonner les niches fiscales, il eut été plus pertinent de plafonner le gain fiscal plutôt que l’investissement réalisé.

En définitive, l’idéal eut été de recourir à un examen exhaustif des 400 niches fiscales et de se poser pour chacune d’elle la question de savoir si elles ont une utilité pour la collectivité. Si oui, on les conserve ; si non, on les supprime. Pas de demi-mesure. Au lieu de cela, le gouvernement a préféré une voie plus politique en les plafonnant sans distinction. Le résultat est un texte indigeste à l’efficacité douteuse. Le Conseil constitutionnel appréciera, lui qui en décembre 2005 a déjà eu l’occasion de déclarer le principe du plafonnement des niches fiscales comme contraire à la Constitution en raison de son « excessive complexité, qu’aucun motif d’intérêt général ne suffisait à justifier ».

Article paru dans « Le Monde » en décembre 2008

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