Deux arrêts récents de cours administratives d’appel nous apportent des précisions intéressantes sur les éléments à observer pour obtenir l’exonération des plus-values, indique, dans sa chronique, Frédéric Poilpré, membre du Cercle des fiscalistes, publiée dans Le Monde le 08/06/2021.
La crise sanitaire, les confinements, l’accélération de la généralisation du télétravail… auront sûrement des effets sur le comportement des Français dans leur stratégie d’investissement immobilier et notamment lors de l’acquisition de leur résidence principale. Le marché immobilier hexagonal en perçoit déjà quelques tendances avec notamment un intérêt croissant pour des villes de taille moyenne ou pour l’achat d’une résidence secondaire. On assiste, d’ailleurs, pour la première fois depuis plus de 6 ans à une baisse des prix de l’immobilier dans les grandes villes ou encore à l’acquisition de double résidence avec une maison en province et un pied à terre à Paris.
Certains seront donc acheteurs et d’autres vendeurs de leur résidence principale actuelle, bénéficiant au passage du régime d’exonération totale d’imposition, pour trouver cet équilibre tant recherché entre vie personnelle et vie professionnelle.
Cette exonération revêt un caractère général sans considération de la destination future du bien, des motifs de la cession ou encore de la nature de l’habitation et s’applique aux dépendances immédiates et nécessaires cédées simultanément avec l’immeuble.
Pour bénéficier de ce régime, certaines conditions doivent toutefois être remplies :
– Le bien cédé doit constituer la résidence habituelle et effective du vendeur. Ce critère s’apprécie en fonction du temps passé dans le bien pendant l’année et résulte d’une question de fait. Il convient d’y résider généralement plus de 6 mois.
– Le logement cédé doit être la résidence principale au jour de la cession. Ce qui exclut du régime d’exonération, les immeubles antérieurement occupés puis cédés alors qu’ils ont été mis en location, occupés à titre gratuit par des membres de la famille ou des tiers ou encore devenus vacants.
L’immeuble doit donc être occupé jusqu’au jour de sa mise en vente. Comment alors apprécier la situation très fréquente où les vendeurs ont déjà acquis leur nouvelle résidence principale et déménagés alors que l’ancienne résidence n’est pas encore cédée ?
Pour bénéficier de l’exonération, l’administration tolère que la cession soit réalisée dans des délais « normaux ». Aucun délai maximum n’est donc fixé et cela relève d’une appréciation circonstanciée, chaque situation étant forcément unique au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent allonger des délais de vente.
L’administration précise tout de même que, dans un contexte économique normal, un délai d’un an constitue en principe un délai normal. Il s’agit surtout d’une question de fait qui s’apprécie en regardant l’ensemble des circonstances de l’opération. Il convient notamment de tenir compte des conditions locales du marché immobilier, du prix demandé, des caractéristiques particulières du bien cédé et des diligences effectuées par le contribuable pour la mise en vente de ce bien (annonces dans la presse, démarches auprès d’agences immobilières, etc.).
Concrètement, la seule mise en vente de l’immeuble n’est pas de nature à justifier l’exonération de la plus-value, notamment s’il apparaît que le prix demandé ne correspond pas aux prix pratiqués sur le marché immobilier local.
L’ensemble des conditions nécessaires à respecter pour bénéficier de ce régime fiscal favorable est apprécié par l’administration sous le contrôle du juge, chacun se basant sur des faisceaux d’indices.
Deux arrêts récents de Cours administratives d’appel nous apportent des précisions intéressantes sur les éléments à observer afin de déterminer si le bien cédé rempli les conditions d’exonération au moment de la vente ou combien de temps doit-il les conserver pour que la vente ne soit pas taxée.
Dans le premier arrêt, un couple a fait construire une maison d’habitation puis l’a cédé 3 mois après l’achèvement des travaux en se prévalant de l’application du régime favorable, ce que l’administration a contesté. Le juge lui a donné raison en s’appuyant sur des éléments factuels pour apprécier si le bien remplissait les conditions d’exonération au moment de la vente. Il a ainsi été mis en avant que l’occupation avait été trop courte eu égard à la date de fin des travaux, que la consommation d’électricité et d’eau était faible par rapport à un autre bien détenu par le couple qui avait, de surcroît, simplement procéder à un transfert de leur courrier sans changer l’adresse de leurs comptes bancaires, des contrats d’assurance ou d’envoi des factures.
Autant d’éléments factuels qui ont permis de mettre en avant le caractère temporaire de l’occupation par les vendeurs qui ne pouvaient donc pas se prévaloir de l’exonération recherchée.
Dans un second arrêt, alors qu’il s’agissait de la résidence principale d’un couple, le régime favorable n’a pas été retenu par l’administration compte tenu des délais de vente et des prix qui ont augmenté sans que l’importance des travaux entrepris puissent les justifiés.
En effet, le couple a signé un compromis de vente en mai 2010, prorogé par des avenants successifs, sur leur résidence principale qu’ils ont occupé jusqu’à la fin du mois de juillet 2010. Le futur acquéreur a même été autorisé à louer le bien à compter de fin juillet jusqu’à sa vente. In fine, la vente n’a pas eu lieu et le bien a été remis en vente pour n’être cédé qu’en septembre 2013.
Les juges se sont alignés sur la position de l’administration, compte tenu du délai d’inoccupation du bien, en mettant en avant que les diligences nécessaires n’avaient pas été accomplies par les vendeurs pour mener à bien la vente dans les meilleurs délais tout en s’appuyant sur les motifs de la cession, les caractéristiques de l’immeuble, le contexte économique et réglementaire local.
Les fondements de ces décisions paraissent logiques et il semble périlleux de déclarer un bien en tant que résidence principale si les conditions ne sont pas réellement respectées. L’administration et le juge peuvent utiliser de multiples moyens pour apporter la preuve contraire.
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