Source : Challenges du 2 juillet 2015
Depuis une vingtaine d’années, tous les gouvernements ont compris que le maintien d’un tissu de PME familiales était le gage d’une économie dynamique, exportatrice, créatrice d’emplois. L’exemple du dynamisme de l’économie allemande, qui repose sur un tissu considérable de PME, a contribué à cette prise de conscience. Aussi ont-ils mis en place tout un arsenal juridique et fiscal pour faciliter ces transmissions. Dans ce domaine, le texte le plus connu du grand public est la loi DUTREIL qui date d’août 2003.
Pour inciter le transfert du pouvoir et de la propriété par les dirigeants, il prévoit un abattement fiscal sur les plus-values réalisées sur les titres vendus au moment du départ à la retraite. Les conjoints qui cèdent leurs droits sociaux en même temps peuvent également bénéficier de cette mesure de faveur. C’était du moins l’usage jusqu’alors. Coup de tonnerre dans ce ciel sans nuage : le Conseil d’Etat, en décembre 2014, a refusé le maintien de cette tolérance. Le fait que les époux seraient mariés sous un régime de communauté et que ces biens appartiennent pour moitié au conjoint dirigeant ne permettrait pas l’application de la mesure de faveur si le conjoint cosigne l’acte de cession. Pour que le régime fiscal de faveur s’applique, il faut que le dirigeant signe seul l’acte de cession. Comprenne qui pourra !
La loi Dutreil subit la critique d’organismes ou de commissions plus inspirés par la passion égalitaire décrite par Tocqueville que par l’analyse des faits.
Le consensus qui prévalait en France depuis deux décennies concernant l’utilité d’encourager, par un dispositif fiscal particulier, la transmission familiale des entreprises, subit des assauts récents et répétés, de la part d’économistes : Cahier du Trésor 2013/06, note d’analyse de France Stratégie- janvier 2017, rapport Blanchard Tirole, etc…
Les propositions du rapport Blanchard-Tirole font planer un danger sur « le tissu de nos trop rares grandes entreprises familiales françaises », mettent en garde les deux membres du Cercle des fiscalistes.
Ce lundi 13 mars, Rémy Gentilhomme, est brutalement décédé d’une crise cardiaque à l’âge de 66 ans. Sa disparition nous affecte lourdement. Spécialiste reconnu de l’ingénierie patrimoniale, de la transmission d’entreprises familiales et du démembrement de propriété, domaines dans lesquels il a publié nombre d’ouvrages et d’articles de référence, Rémy Gentilhomme s’est, tout au long de sa carrière de notaire au sein de l’office Lexonot situé à Rennes, investi parallèlement dans l’enseignement en faculté de droit et dans les écoles de commerce, de même que dans les travaux du Conseil supérieur du Notariat. Il a apporté au Cercle la fraîcheur d’une réflexion personnelle et distanciée sur les dérives qu’il lui arrivait de relever dans le traitement fiscal des contribuables. En bref, il était un juriste et praticien de grande envergure, en même temps qu’un esprit libre toujours enclin à soutenir les thèses qu’il tenait pour justes sans crainte d’aller à rebours des idées reçues.
Ses collègues du Cercle, qu’il a contribué à fonder en 2006, rendent hommage à sa chaleur amicale et expriment à sa famille leur profonde sympathie face au deuil qui la frappe.