Fiscalité et logement : le gouvernement aurait pu mieux faire

Publié le 17/12/2017

Le Gouvernement a annoncé une réforme en matière de politique du logement. Il est parti du constat que nous vivons une crise du logement et que l’environnement juridique et fiscal n’est pas favorable au développement de ce secteur d’activité.

On ne peut qu’approuver ce constat ainsi que certaines mesures proposées en matière fiscale, tout en regrettant certaines insuffisances.

Tout d’abord, pour faciliter l’offre en matière de logement, le gouvernement propose des mesures favorables en matière de plus-value sur terrains à bâtir notamment la suppression quasi-totale des plus-values sur cessions à bâtir – mesure excellente en soi car sans terrain à bâtir, il n’y a pas de construction et pas de logement.

Il s’agit là d’une mesure de bon sens même si on peut regretter la distinction entre terrains à bâtir à vocation sociale et terrains à bâtir à vocation non sociale.
Une mesure favorable à l’offre de foncier… mais difficile à mettre en oeuvre
En effet, après la publication de la loi, il y aura bien entendu des décrets d’application. Cela va prendre un certain temps. Les propriétaires de terrains à bâtir pourront alors décider de mettre en vente leurs biens. Il leur faudra trouver un acquéreur qui sollicitera un permis de construire. Entre le délai d’instruction du permis de construire et le délai qui permet le recours du tiers contre ce permis, il va se passer plusieurs mois.

L’accumulation de tous ces délais après la publication de la loi signifie que très peu de dossiers pourront bénéficier de cette mesure dans un délai de trois ans prévu par le projet de loi. Quitte à prendre cette mesure et la rendre efficace, il aurait fallu envisager un délai de cinq ans.

D’autre part, le Projet de loi sur le Logement devrait maintenir le dispositif de la Loi Pinel tout en le réservant aux secteurs tendus. Cette mesure fiscale – qui n’est que la 18e mesure mise en place depuis 1982 – va continuer à grever lourdement le budget de l’Etat sans constituer une solution favorable pour attirer des investisseurs privés dans l’investissement locatif. Il faut rappeler qu’environ 60.000 ménages bénéficient en moyenne de ces dispositions qui sont très largement insuffisantes face aux besoins de construction.

D’autre part, cela constitue un effet d’aubaine pour les classes les plus favorisées.
Enfin, les promoteurs sont susceptibles de majorer le prix de vente des logements de cet avantage fiscal. Ne serait-il pas préférable de supprimer cette disposition pour toutes les opérations immobilière non encore engagées ?

Néanmoins, il est clair que nos compatriotes ont toujours besoin d’une carotte fiscale pour investir dans un secteur d’activité.

En 1948, le gouvernement à majorité socialiste avait trouvé la solution idéale : une disposition législative avait été votée à cette époque prévoyant que les logements neufs construits après cette date ne donneraient pas lieu à droits de succession lors de la première mutation à titre gratuit.
Cela a attiré des dizaines de milliers d’investisseurs, cela a contribué largement à l’extinction de la crise du logement liée aux destructions durant la guerre, et à la nécessité de construire des logements face au pic de naissances liées au baby-boom.

Le coût a été très marginal pour le budget de l’Etat car beaucoup de personnes ont revendu avant leur décès et on ne connaît pas de cas de personnes s’étant suicidées pour faire bénéficier de cette disposition à des héritiers éventuels.

Valéry Giscard d’Estaing, en 1976, a supprimé cette disposition considérant qu’il n’y avait plus de crise de logement, ce qui était exact.

En 1982, le nouveau pouvoir socialiste a constaté qu’il y avait à nouveau une crise du logement. Au lieu de reprendre cette disposition miraculeuse de 1948, il a mis en place un dispositif extrêmement coûteux pour les finances publiques avec une déduction sur l’impôt sur le revenu. Depuis lors, on a multiplié des dispositifs similaires sans résoudre le problème. Il faut donc revenir à cette loi de la IV République, cela attirera les investisseurs, cela ne majorera pas le prix du logement et représentera un coût faible pour l’Etat.


Plus de libertés entre bailleurs et locataires dans le neuf

Cependant, il n’est pas suffisant d’avoir des terrains à bâtir ni de donner un avantage fiscal à ces futurs propriétaires bailleurs de logements neufs intéressés par une carotte fiscale. Encore faut-il qu’ils en aient envie et qu’ils ne soient pas effrayés par un contexte juridique trop contraignant.
Les logements construits après 1948 pouvaient être loués sans quasiment aucune contrainte juridique. Les biens étaient loués pratiquement librement entre les bailleurs et locataires. Cela représentait un intérêt évident pour les bailleurs.

Aujourd’hui, la multiplication des textes restreint les droits des bailleurs, les font fuir et on constate une baisse année après année du nombre de personnes investissant pour louer des appartements soit dans du neuf soit dans de l’ancien. D’autre part pour des raisons similaires, de nombreux propriétaires, notamment à Paris, préfèrent louer en meublé à des touristes plutôt qu’à des locataires à l’année.

Il faut revenir à des choses de bon sens et prévoir peut-être pour les logements neufs une certaine dérogation à ces contraintes considérables qui pèsent sur les bailleurs. Il ne faut pas croire que de telles législations se feraient au détriment des locataires. En effet, il y aurait une augmentation du nombre d’habitations mises en location ; le jeu de l’offre et de la demande devrait alors jouer et les locataires seraient en position de force pour négocier.

Cet aspect des choses étant réglé, on peut s’étonner qu’il n’y ait pas dans ce projet de loi sur le logement une disposition fiscale concernant l’impôt sur le patrimoine, désormais dénommé IFI. Tous les experts sont d’accords pour constater que la location d’un appartement ne peut donner lieu à une rentabilité supérieure à 4 % quel que soit le type de logement.


1,6 % de rentabilité dans l’immobilier neuf, fiscalité incluse

Sur cette rentabilité, il y a lieu de déduire l’impôt sur le revenu et la CSG, et pour une personne au taux marginal de l’impôt sur le revenu (personnes qui peuvent investir le plus) la pression fiscale atteint 60 %. C’est-à-dire que la pression fiscale va absorber environ 2,4 %, du revenu brut, il reste donc 1,6 % de rentabilité.

… et 0 % de rentabilité IFI compris

Si le contribuable est au taux marginal de 1,50 % en matière d’impôt sur la fortune immobilière, la rentabilité sera égale à 0 voire négative. Ce n’est pas un moyen d’inciter des investisseurs détenteurs de liquidités importantes à investir dans le logement. On peut regretter qu’aucune mesure ne soit prévue dans ce domaine.

On a tendance à regretter la faible mobilité des français lorsqu’ils n’ont plus d’emploi et on déplore qu’ils refusent de quitter leur région d’origine pour aller s’installer à 50 ou
60 kilomètres.

Ces taxes qui freinent la mobilité professionnelle

Quelles sont les raisons de cet immobilisme ? La plupart du temps, cela provient du fait que les personnes ont acheté leur logement et que si elles quittent ce dernier, elles devront acheter un nouveau logement lorsqu’elles auront trouvé un nouvel emploi dans une autre région. Elles devront alors payer des droits de mutation – improprement appelés frais de notaire – de l’ordre de 6 %.
Si ces personnes achètent un logement le même prix qu’elles l’ont vendu, il faut trouver 6 % dans leurs économies pour faire face à l’investissement. Ce n’est pas de nature à les rassurer alors qu’elles sont déjà fragilisées psychologiquement et financièrement du fait de leur situation.

On aurait pu imaginer un système par lequel, dans un cas de mutation lié à un problème de chômage, l’acquéreur de ce logement puisse déduire sur les nouveaux droits de mutation qu’il doit payer, les droits qu’il a payés lors de son acquisition d’origine de telle sorte que seul le delta soit assujetti à l’impôt.

Bien sûr, on pourrait rêver et penser qu’on pourrait diminuer ces droits de mutation mais cela poserait un problème car ce sont des recettes importantes pour les collectivités locales. Il est heureux que le gouvernement s’attelle à une réforme en profondeur de l’environnement juridique et fiscal du logement.

Il est regrettable qu’après une constatation exacte, il n’ait pas été au bout de des conclusions qu’il en a tirées.

Bernard MONASSIER
Président BM FAMILY OFFICE
Vice-Président du Cercle des Fiscalistes

Achevé de rédiger 12/17 – Article paru sur www.latribune.fr

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