Un amendement institue de droit le taux individualisé à l’impôt sur le revenu, dans le projet de loi de finances 2024, mais la protection des femmes reste imparfaite, car le texte ne déconnecte pas les conjoints entre eux après leur séparation, notent les fiscalistes Philippe Bruneau (Président du Cercle des fiscalistes), Jean-Yves Mercier (Vice-président du Cercle des fiscalistes), et Gilles Bonnet (notaire associé étude KL Conseil, membre du Cercle des fiscalistes), dans une tribune au « Monde », le 12 Novembre 2023 (réservé aux abonnés).
Quoi de plus naturel, voire indispensable, que le fisc traite femmes et hommes sur un pied d’égalité. Hélas, l’histoire des conquêtes féminines en la matière montre que les mesures tendant à établir cette égalité se font parfois au détriment des épouses et que le fisc n’est pas tendre envers les femmes.
L’impôt sur le revenu a de tout temps été calculé à l’échelon du foyer, à partir de la somme des revenus perçus par chaque époux. Jusqu’en 1970, le code civil faisait du mari le chef de la famille et, corrélativement, lui seul avait la qualité de contribuable quand bien même son épouse disposait de revenus propres.
Cette situation apportait à l’épouse une certaine sécurité en cas de divorce : elle n’était pas tenue au paiement des dettes fiscales nées pendant la période de vie commune. En 1971, il est décidé que désormais les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille.
Le mari demeure néanmoins seul contribuable jusqu’à ce que, à la demande pressante des féministes, la femme obtienne la reconnaissance du statut de contribuable, ce qui est fait avec un certain recul, en 1983. Cet aménagement porte en lui à l’égard des femmes qui divorcent une pilule empoisonnée : elles deviennent codébitrices, et donc solidairement responsables, des dettes fiscales que le foyer a contractées pendant les dernières années de la période de vie
commune.
On constate, hélas, que cette obligation est la source de lourdes déconvenues pour celles qui ont la malchance de s’être séparées d’un mari qui a commis de graves insuffisances déclaratives et a de plus organisé son insolvabilité pour éviter de régler les rappels d’imposition notifiés au titre de cette période.
La situation des femmes mariées venant à divorcer s’est-elle améliorée depuis le passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ? Celles dont le conjoint est salarié ont gagné en sécurité étant donné que l’impôt afférent aux revenus du mari est acquitté par voie de prélèvements opérés au fil de l’eau.
Mais le risque que nous venons d’évoquer subsiste dans le cas, par exemple, où le mari est un travailleur indépendant qui, pendant la période de vie commune, a pris des libertés dans la détermination du revenu ou bénéfice déclaré au fisc. Le rappel d’impôt qui résulte du contrôle fiscal demeure à la charge de la femme divorcée si l’ex-mari se dérobe.
On fait aujourd’hui grief au régime du prélèvement à la source de pénaliser les femmes mariées qui disposent de revenus plus faibles que ceux de leur conjoint. En effet, si le couple n’a pas exercé son option pour le calcul de prélèvements individualisés, le taux du prélèvement appliqué à la rémunération de l’épouse est le taux moyen d’imposition des
revenus globaux du ménage, lequel se ressent bien entendu à la hausse de la prise en compte des revenus, par hypothèse, plus élevés du mari. Ainsi, la ponction que subit alors l’épouse au titre du prélèvement est plus élevée que celle subie par une femme célibataire disposant d’un revenu égal.
Les couples mariés sont autorisés à opter pour le calcul de prélèvements individualisés. La loi précise que cette option résulte de la seule manifestation de volonté de l’un des conjoints. Ainsi, dès lors que l’épouse l’exerce, le mari supportera inévitablement des prélèvements calculés au taux qui correspond au niveau de ses propres revenus. On a cependant constaté qu’un nombre très faible de ménages ont exercé cette option.
Le résultat est assez logique car lorsque règne l’entente entre les époux, ceux-ci se désintéressent d’une option qui ne fait pas varier d’un centime le montant de l’impôt final qu’ils supporteront. Ce qui est frappant, en revanche, est que l’option soit dédaignée par les couples qui ne s’entendent pas du tout et par ceux qui se querellent sur l’emploi des revenus et le paiement des charges du ménage.
Est-ce par méconnaissance ou est-ce la conséquence d’une difficulté liée à l’exercice de l’option ? L’explication la plus probable tient au fait que nous sommes entrés dans l’ère du numérique. Le lien qui relie aujourd’hui les contribuables au service des impôts se limite à l’espace particulier qui s’affiche sur le site Impots. gouv. Celui des conjoints qui a la haute
main sur la connexion à cet espace (celui qui détient l’ordinateur et le mot de passe) n’est-il pas le plus souvent le mari ?
Auquel cas, l’épouse doit solliciter son consentement pour exprimer son option. Là est certainement la raison, non affichée, pour laquelle le gouvernement veut inverser la règle à compter de septembre 2025 en vue de faire en sorte que, sans l’expression d’une volonté commune contraire, chaque membre du couple devienne de plein droit assujetti aux prélèvements à un taux individualisé.
Cet aménagement sera-t-il favorable aux femmes qui appartiennent à la cible visée des personnes comparativement faibles contributrices aux revenus du ménage, qui étaient et seraient encore majoritairement des femmes ? On peut bien sûr l’espérer, mais ne nous cachons pas que le simple fait d’alléger le poids de leurs prélèvements mensuels ne les
préservera nullement d’un conflit au sein du couple sur la répartition des ressources et des charges globales du ménage, de même que sur celles des crédits et des réductions d’impôt ou de leurs avances que le fisc ne verse que sur un seul compte.
Et ajoutons pour finir qu’il n’est pas envisagé de les délivrer, après divorce, de leur obligation solidaire au paiement de l’impôt afférent aux revenus personnels que le mari a perçus pendant la période de vie commune. Il y aurait une certaine logique à ce que la séparation libère chaque conjoint de sa contribution aux dettes fiscales contractées par l’autre. Ce geste
complémentaire, à coup sûr, profiterait prioritairement aux femmes dont on se plaît à vouloir améliorer le statut fiscal.
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