Impôt immobilier : une réforme inopportune

Publié le 9/11/2023

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LE POINT DE VUE – Tribune collective

Par Philppe Bruneau, Olivier Dauchez, Bernard Monassier, Jean-Yves Mercier, Jérôme Turot et d’autres membres du Cercle des fiscalistes.

Publié le 09/11/2023 dans Les Échos

Un amendement relatif à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), émanant de députés socialistes, a été retenu par le gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2024. Son objectif affiché est d’harmoniser l’assiette de cet impôt entre les assujettis qui possèdent un patrimoine immobilier en direct, et ceux qui le détiennent par l’intermédiaire d’une société.
La règle énoncée depuis la création de l’IFI veut que l’associé soit imposé en appliquant à la valeur des titres sociaux, déterminée en tenant compte de l’ensemble des dettes de la société, le pourcentage que représente la valeur des immeubles sociaux non affectés à l’activité professionnelle par rapport à son actif brut. Elle a pour objet d’éviter que ne donne prise à l’impôt la fraction de la valeur des titres qui correspond aux fonds engagés par la société pour mener son activité d’entreprise.

On voudrait aujourd’hui ouvrir une brèche dans ce juste équilibre. L’amendement se compose de deux alinéas. Le premier interdit toute déduction du passif, lors de l’évaluation des titres sociaux, hormis celui afférent à des immeubles imposables. Le second précise qu’en tout état de cause, l’assiette imposable à l’IFI ne devra pas dépasser la valeur vénale des titres de la société.

Il est d’abord inquiétant de noter la présence d’un plafonnement visant à éviter que le redevable ne soit imposé sur une valeur excédant celle des titres qu’il détient. Ceci suggère que le dispositif pourrait produire cet effet absurde. Par ailleurs, l’amendement augmentera considérablement le poids de l’IFI pour certains redevables, et engendrera, au lieu de la supprimer, une inégalité de traitement sans aucune logique économique ou fiscale.

Démonstration par l’exemple : l’associé d’une société détenant une entreprise valant 9 millions et un immeuble non utilisé par elle de 1 million peut actuellement déduire tout le passif dans l’évaluation de ses titres. Supposons que le passif social soit égal à 9 millions, dont 1 million afférent à l’immeuble, la valeur des parts est alors de 1 million (10-9). Sur cette dernière est ensuite appliqué le coefficient immobilier (ici 1/10). L’assiette de l’IFI est donc actuellement de 100.000 euros.

L’amendement augmentera considérablement le poids de l’IFI pour certains redevables.

Si l’amendement est adopté, la valeur des titres sera déterminée sans tenir du compte du passif, autre que celui afférent à l’immeuble, et sera réputée égale à 9 millions, sur lesquels sera appliqué le coefficient immobilier (ici toujours 1/10). L’assiette IFI sera portée à 900.000 euros. Alors que si ce contribuable détenait le même patrimoine (entreprise et immeuble) soit à titre personnel, soit dans deux sociétés distinctes, son assiette IFI serait égale à zéro puisque l’entreprise n’est pas imposable et que le passif afférent à l’immeuble se déduirait de la valeur de celui-ci. Cet amendement aboutirait à transformer la nature de l’IFI, qui ne serait plus un impôt sur l’immobilier, mais un impôt sur les sociétés détenant de l’immobilier, assis sur l’actif brut, et pénalisant les sociétés endettées, qui sont souvent des jeunes entreprises en croissance. Il produirait des effets aberrants, en incitant ou obligeant à sortir des actifs immobiliers de certaines sociétés, engendrant des coûts et des lourdeurs qui viendraient aggraver la crise de l’immobilier et donc du marché locatif.

En outre il serait sans doute considéré comme contraire à la Constitution. Car primo, il introduirait une répartition inégale de l’impôt entre les redevables de l’IFI, en défavorisant ceux qui détiennent de l’immobilier à travers une société, sans que cette discrimination ait un objectif rationnel. Et secundo, pour ces contribuables, l’IFI ne pourrait plus, dans bien des cas, être réglé avec les revenus du patrimoine. Il est généralement admis qu’un tel impôt sur le capital est un impôt confiscatoire. Inégalitaire et confiscatoire, l’amendement cumulerait les hérésies juridiques qui viendraient s’ajouter à des effets économiques aberrants et inquiétants.

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